Un sujet brûlant parmi les passionnés de JRPG concerne la rigidité de certaines mécaniques ou fonctionnalités du genre. En effet, vous vous êtes probablement déjà retrouvé à affronter le même monstre plus d'une dizaine de fois pour obtenir un composant nécessaire à un craft particulier, ou à parcourir une carte pendant des heures pour accumuler quelques points d'expérience supplémentaires afin de pouvoir affronter votre prochain boss. Si les amateurs de jeux vidéo s'éloignent parfois du JRPG, c'est parce qu'ils soulignent souvent les défauts de ce genre. En effet, il est temps d'admettre que tuer 20 gobelins ou ramasser 15 fleurs de mana n'a jamais été particulièrement attrayant sur le long terme. Néanmoins, peut-on tout de même y trouver du plaisir ? Quels seraient les points à améliorer ou l'attitude à adopter pour en apprécier les fondements ? C'est ce que nous allons tenter de décortiquer dans cet édito.
Avant de proposer des améliorations ou la bonne attitude à avoir, il est essentiel de tracer brièvement la structure d'un JRPG comprenant son game design et level design. Le game design d'un JRPG classique repose sur des mécaniques et un level design structuré qui déterminent l'expérience de jeu. La narration, bien que centrale, s'articule autour de ces éléments pour offrir une aventure cohérente. Les combats, souvent au tour par tour ou en temps réel, se déroulent sur un écran séparé ou dans une arène artificielle, où vous choisissez les compétences de vos personnages ou les exécutez directement. Ces actions incluent l'attaque, l'utilisation de la magie ou des objets, et nécessitent une gestion stratégique des ressources comme les points de vie et de magie. La progression des personnages se base sur un système de niveaux, où l'expérience (qui peut prendre différentes formes) gagnée lors des combats permet d'améliorer les statistiques et d'apprendre de nouvelles compétences. Certains jeux proposent des systèmes de progression plus complexes, tels que des arbres de talents.
L'exploration est aussi de la partie, avec des cartes du monde à grande échelle et des zones spécifiques comme des villes ou donjons. Les déplacements entre ces zones se font souvent à pied, en bateau ou en véhicule volant, laissant la place à la découverte de trésors cachés et de quêtes secondaires. Le level design de ces zones est conçu pour encourager l'exploration, avec des chemins ramifiés, des zones cachées et des défis environnementaux tels que des puzzles ou des zones labyrinthiques. Le système de quêtes, quant à lui, comprend des missions principales qui font avancer l'histoire et des quêtes secondaires offrant des atouts supplémentaires, telles que des missions de chasse, la recherche d'objets ou l'aide à des PNJ. Ces dernières justifient souvent l'espace utilisé par les voyages et permettent de rendre l'exploration beaucoup plus organique.
Les équipements et les objets seront le ciment de votre progression. Vous pouvez équiper vos personnages d'armes, d'armures et d'accessoires améliorant leurs statistiques ou ajoutant des effets spéciaux. Les objets consommables, comme les potions et les éthers, sont utilisés pour soigner les personnages ou restaurer leurs jauges. De plus, le crafting nécessite la collecte de matériaux pour créer de nouveaux équipements ou objets plus efficace en fonction de la courbe de progression (retenez ce dernier point). Le level design des donjons et des zones de combat est souvent complexe, incluant des énigmes, des pièges et des boss à vaincre. Ce design vise à offrir des défis variés et à maintenir l'intérêt tout au long du jeu, tout en apportant une satisfaction à travers des récompenses qui sont à la hauteur de la difficulté.
Les dialogues avec les PNJ sont essentiels pour obtenir des informations, des quêtes et des indices. Les choix de dialogue peuvent influencer les relations entre les personnages ou l'issue de certaines quêtes. Les systèmes de sauvegarde permettent de conserver la progression à des points spécifiques, tels que les auberges, les points de sauvegarde dans les donjons ou en tout lieu sur la carte du monde.
Bien que cette structure puisse sembler théorique et largement reconnue, il apparaît, à travers certains exemples, que ce n'est pas toujours le cas pour toutes les productions. Par exemple, dans Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes, l'exploration des zones ouvertes se révèle loin d'être fluide. Les lieux manquent de PNJ, d'objets ou de secrets, et les rencontres aléatoires ralentissent considérablement la progression, entraînant rapidement un sentiment d'ennui et d'agacement, en raison, entre autre, du caractère trop classique des affrontements. En effet, la force du JRPG réside dans sa capacité à se réinventer au fil des décennies. Chaque évolution du gameplay doit être considérée pour les nouvelles créations. J'admets que nous devons rester fidèle aux racines du genre, mais proposer une expérience "à l'ancienne" tout en ignorant une vingtaine d'années de changements et d'ajouts est un manque de respect envers l'histoire du genre. En revanche, dans Octopath Traveler, les actions permettant d'interagir avec les villageois et les compétences de terrain (trouver de l'argent durant les déplacements en est un bon exemple), jouent un rôle essentiel pour combler les moments plus plats et l'absence de récit. Il s'agit d'un équilibre entre le divertissement offert par la boucle de gameplay, l'exploration et les moments narratifs qui colmatent la progression du jeu.
Un aspect souvent négligé, mais important pour cette réflexion, est la gestion du rythme dans un JRPG. La relation entre la progression du personnage et les récompenses obtenues constitue la base de l'expérience. Cependant, à mi-parcours, les JRPG ont tendance à adopter un rythme de croisière qui peut conduire à l'ennui. C'est ce que l'on observe dans certains jeux comme Pokémon Écarlate et Violet ou Forspoken. Bien que les fonctionnalités du monde ouvert soient nombreuses, leur exécution reste souvent trop similaire pour susciter un véritable intérêt.
À l'inverse, dans des titres comme Xenoblade Chronicles 2 ou 3, chaque combat est conçu comme un jeu à part entière. La gestion des compétences, le respect des étapes pour vaincre un ennemi, les transformations, l'utilisation des lames et les combos d'équipe créent un ensemble de mécaniques qui peuvent constituer un jeu complet en soi. Il en va de même pour les productions d'Atlus, telles que Persona, qui utilise judicieusement les faiblesses élémentaires, ou Shin Megami Tensei, avec sa difficulté équilibrée par le système Press Turn, qui met ennemis et héros sur le même pied d'égalité. En réalité, les JRPG qui rencontrent le plus de succès sont souvent ceux dont les mécaniques de base sont agrémentés d'éléments inhabituelles.
Bien que le grind puisse être perçu comme une contrainte par certains joueurs, il reste un élément essentiel du JRPG. Les arguments de vente des développeurs prônant le "No grind mandatory" sont souvent sujet à controverse. Pour maintenir l'engagement du joueur sur la durée, il est nécessaire que le combat et sa répétition soient à la fois inhabituels et gratifiants, au-delà des simples mécaniques de compétences synchronisées, comme observé dans Sea of Stars. Ce qui garde le joueur impliqué dans une expérience classique est la pertinence des récompenses obtenues, c'est-à-dire leur contribution à la progression. Ce point est particulièrement difficile à concevoir, car il détermine l'équilibre entre satisfaction et courbe de difficulté imposée par le jeu. Si le jeu offre trop de récompenses inutiles, le grind perdra de son intérêt comparé à un système où les récompenses correspondent aux paliers de difficulté. Ce problème est observable dans Star Ocean: The Second Story R, où certaines armes puissantes peuvent être débloquées dès les premières heures de jeu. De même, dans Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes, certaines zones des premières heures proposent des combats contre des ennemis puissants, et les vaincre peut rendre les heures suivantes de jeu significativement moins difficiles. Cette gestion de la difficulté influe en grande partie sur le sentiment d'ennui que peut ressentir un joueur. Lorsqu'un jeu inclut du grind, il est essentiel que les récompenses soient soigneusement étudiées et équilibrées. À l'inverse, si le grind est absent, les combats doivent offrir suffisamment d'intérêt pour maintenir l'engagement des joueurs. Il existe heureusement des productions qui réussissent à intégrer ces deux aspects. Xenoblade Chronicles 2 et 3, bien que le premier souffre d'un système de quêtes trop rébarbatif, ainsi que les productions d'Atlus telles que Shin Megami Tensei et Persona, malgré la répétitivité de Soul Hackers 2, réussissent à combiner des mécaniques de combat engageantes avec une gestion équilibrée de la difficulté. Ils existent bien entendu d'autres jeux intéressants sur ce point de vue, comme Paper Mario The Origami King, dont les combats repose sur des puzzles rotatifs et Cris Tales qui allie présent, passé et futur au sein du même combat.
D'autre part, la pertinence des quêtes secondaires est essentielle dans un JRPG. Lorsqu'elles sont bien conçues, elles enrichissent le jeu en introduisant des défis supplémentaires et en approfondissant l'univers du jeu. En revanche, si elles sont mal intégrées, elles peuvent devenir une source de frustration, conduisant à l'ennui. Certains JRPG lient les quêtes secondaires directement à l'intrigue principale ou offrent des récompenses significatives qui contribuent à la progression des personnages. D'autres jeux, cependant, présentent des quêtes secondaires répétitives ou peu engageantes, souvent utilisées pour prolonger artificiellement la durée de jeu. Xenoblade Chronicles 2 et Xenoblade Chronicles 3 sont des exemples de jeux qui intègrent des quêtes secondaires intéressantes, tout comme Ni no Kuni II, qui propose du contenu secondaire scénarisé permettant de mieux connaître les personnages à intégrer au royaume. Persona utilise son système de confidents pour faire progresser le personnage et élargir l'univers du jeu. Enfin, Dragon's Dogma II introduit des événements aléatoires pendant l'exploration pour rendre son écosystème plus organique. Il est en effet très difficile de produire des quêtes secondaires dignes d'intérêt. Tout cela dépend de la découverte progressive du lore, ainsi que de la pertinence des activités proposées. Final Fantasy VII Rebirth, par exemple, continuera d'introduire des mini-jeux dans un contexte faisant partie intégrante de son univers.
L'attitude à adopter face à l'ennui dans un JRPG dépend également de votre attachement à certaines mécaniques. Un fan de Pokémon se contentera de la collection de monstres, et cela suffira pour lui procurer du plaisir. Par ailleurs, un amateur de Final Fantasy trouvera son intérêt avant tout dans l'histoire racontée, ce qui permet de maintenir l'intérêt du joueur grâce aux enchaînements narratifs, aux cliffhangers et aux autres péripéties. Les Soulslikes, quant à eux, séduiront les passionnés de combats exigeants en raison de leur structure et du respect des chorégraphies. Pour éviter l'ennui dans un JRPG, il est essentiel d'identifier d'abord vos habitudes de jeu. Êtes-vous à l'aise avec le grind ? Êtes-vous prêt à passer plusieurs heures sans vous concentrer sur la narration ? Ou préférez-vous vous immerger dans l'histoire et vous laisser porter par celle-ci de manière continue ? Par ailleurs, aimez-vous l'exploration ? Souhaitez-vous qu'elle soit riche et propose beaucoup de contenus supplémentaires ? Ou préférez-vous vous concentrer sur les affrontements dans des structures beaucoup plus linéaires ? Ce sont toutes des questions à se poser avant même de se lancer dans une précommande impulsive ou un achat. Il serait utile de consulter des médias de confiance pour les jeux qui ne sont pas encore sortis, ou de lire les commentaires d'autres joueurs en essayant de relever les points abordés dans cet édito, afin de déterminer ce qui pourrait ou non vous convenir.
Pour conclure, nous ne vivons pas tous l'ennui de la même manière. Cependant, être conscient de ses propres attentes et des éléments essentiels dans un JRPG peut aider à atténuer ce problème. Il est souvent possible de trouver satisfaction dans diverses productions en identifiant ce qui nous plaît le plus et en se concentrant sur ces aspects, ce qui rendra les éléments moins intéressants moins frustrants. Heureusement, la croissance continue des JRPG et des jeux similaires contribue à l'évolution du genre. En effet, les tentatives répétées d'innover et d'améliorer l'expérience de jeu sont une tendance constante. Bien que la perfection soit difficile à atteindre, nous bénéficions d'un catalogue de jeux en expansion qui nous permet d'être plus critiques et de mieux identifier ce qui génère un véritable sentiment de satisfaction en nous.
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