Super Robot Wars (SRW), monument jubilatoire où les robots géants du Japon tout entier s’unissent dans une seule et même furie d’acier. Né dans les années 90 sous la houlette de Banpresto (désormais fondu dans le giron de Bandai Namco), ce projet fou embrasse une ambition simple en apparence : et si tous les mechas, de toutes les séries, de toutes les époques, se retrouvaient sur un même champ de bataille ? Et si l’impossible devenait un terrain de jeu stratégique ? Nous aborderons dans cet article le sujet dans les grandes lignes.
— Super Robot Wars, c’est le rêve éveillé d’un enfant qui aurait grandi sans jamais renier ses héros.
Super Old Robot Wars
Tout a commencé en 1991, sur la modeste Game Boy. À l’affiche : Mazinger Z, Gundam, Getter Robo — la sainte trinité du mecha japonais. Le concept ? Un tactical-RPG à l’ancienne, mélangeant les intrigues de plusieurs séries cultes dans un récit volontairement chaotique… mais tellement spectaculaire qu’on oubliait rapidement toute logique temporelle. Oui, certains arcs narratifs censés durer des années se retrouvaient condensés en quelques jours. Mais avec une armada de robots géants à l’écran, qui allait vraiment s’en plaindre ?
Caprice nostalgique ou exploit titanesque ?
Avec 274 licences officielles intégrées dans ses chapitres successifs, la série détient aujourd’hui un record homologué par le Guinness World Records — celui du plus grand nombre de propriétés intellectuelles réunies dans un jeu de rôle. Là où d’autres osent timidement croiser deux ou trois univers, Super Robot Wars orchestre un carnaval de légendes.
Le principe reste depuis presque inchangé : rassembler un maximum de licences mecha, les faire cohabiter dans une seule trame, et injecter un personnage inédit créé pour l’occasion. Chaque épisode suit une progression bien rodée : les héros luttent contre leurs ennemis habituels, de nouvelles menaces surgissent, et tous finissent par s’unir pour affronter un mal commun d’envergure cosmique.
Dès le deuxième épisode, Banpresto introduit ses propres créations : les Banpresto Originals. Ces personnages et robots inédits prennent de plus en plus d’importance jusqu’à obtenir leur propre jeu, Super Robot Wars: Original Generation, en 2002. Particularité notable : cette série dérivée, centrée exclusivement sur les personnages maison, échappe aux casse-têtes de droits et bénéficie enfin d’une sortie officielle en Occident — une première pour la licence.
C'est à partir de l’ère Alpha que Super Robot Wars atteint sa pleine maturité. Avec la puissance de la PlayStation, Super Robot Wars Alpha offre des animations fluides, doublées par les voix originales des anime, et une narration plus ambitieuse.
Aux oubliettes le fanservice, SRW devient une production bien mieux construite. Alpha Gaiden pousse l’expérimentation encore plus loin avec un détour dans un futur post-apocalyptique, introduisant le mythique Sanger Zonvolt, personnage devenu culte pour les fans. Le sommet de cette période est atteint avec Alpha 3, une conclusion spectaculaire qui jongle entre enjeux critiques et intervention de séries telles que Gunbuster, GaoGaiGar et Ideon.
Quand on crée un scénario ou une trame pour une fin alternative ou un épilogue, on le soumet aux ayants droit. S’il n’y a pas de corrections, on le fait tel quel.Takanobu Terada, producteur de la série SRW, dans le cadre d'une interview pour Ani-gamer

Parallèlement, une autre saga émerge avec une identité propre : Original Generation. Contrairement aux autres épisodes mêlant licences célèbres, les OG sont bâtis uniquement autour des personnages et robots originaux de Banpresto. Le premier jeu, Super Robot Wars Original Generation sur Game Boy Advance, propose une synthèse efficace de l’esprit SRW tout en posant les bases d’un univers autonome. Le succès est tel que la série est relancée sur PlayStation 2 avec Original Generations, une version enrichie et graphiquement plus moderne. Le point culminant est atteint avec The Moon Dwellers sur PS4, qui devient le tout premier jeu Super Robot Wars traduit officiellement en anglais.

Enfin, impossible d’ignorer la saga Masō Kishin (Lord of Elemental), véritable ovni au sein de la franchise. Se déroulant dans un monde fantasy avec magie et civilisations souterraines, elle s’affranchit des codes sci-fi habituels et adopte une mise en scène sérieuse, des robots à échelle réaliste et un système de jeu des plus exigeants.
Super Modern Robot Wars
L’ère moderne de Super Robot Wars marque un tournant esthétique majeur pour la série. Les sprites traditionnels ont progressivement laissé place à des animations plus fluides et à l’usage de CGI, dans une tentative plus ou moins réussie de se rapprocher visuellement des œuvres originales. Ce changement visuel, loin de faire consensus, a divisé les joueurs : certains y voient une modernisation bienvenue, d’autres regrettent la personnalité des anciens visuels.
C’est à cette période que la série Z prend forme, amorcée sur PlayStation 2. Elle propose un monde où différentes réalités fusionnent à la suite d’un événement dimensionnel incontrôlé. On y voit cohabiter des événements issus de plusieurs timelines, comme celle de Gundam SEED ou de Gundam X, unifiés dans une narration où chaque monde apporte ses propres conflits. Le récit s’étend ensuite sur les épisodes suivants, diffusés sur PlayStation Portable puis sur PlayStation 3 et Vita. Ces suites exploitent l’idée de nouveaux mondes composites créés par des phénomènes dimensionnels naturels. L’intrigue se complexifie au fur et à mesure que ces univers interférents finissent eux-mêmes par fusionner, clôturant une saga dense aux ramifications multiples.

Avec le développement à l’international, la série opère une transition vers des épisodes autonomes, chacun avec sa propre trame, libérée de la continuité des grandes sagas précédentes. C’est dans ce contexte qu’apparaissent les jeux V, X, T, puis le jeu du 30e anniversaire. Le premier met en scène Yamato — premier vaisseau à propulsion Wave Motion — comme élément central face à des menaces non humaines. Le second, aux accents plus fantastiques, tourne autour d’une révolte contre une société magique corrompue. Le troisième adopte un ton plus ironique en abordant la défense de l’humanité à travers le prisme du capitalisme, sans pour autant perdre son sérieux. Le trentième opus, quant à lui, se distingue autant par l’ampleur de son casting que par l’accessibilité qu’il offre au public occidental, avec une sortie mondiale sur Steam. Il met en scène des pilotes issus d’expériences scientifiques luttant contre une invasion interdimensionnelle, dans un récit ponctué de clins d’œil à l’ensemble de la franchise.

Parallèlement à cette ouverture, des jeux sur consoles portables poursuivent la tradition tout en évoluant vers le nouveau style graphique. On y retrouve parfois des maladresses, comme une affaire de plagiat musical ayant entaché l’un des épisodes, ou une sélection de séries jugée trop sexualisée dans un autre. Certains titres parviennent néanmoins à tirer leur épingle du jeu, comme un épisode remarqué pour la solidité de son scénario inspiré de cycles cosmiques issus de la mythologie hindoue.
Super Robot Gameplay
Sous le capot, Super Robot Wars repose sur une dualité héritée directement des animés dont il s'inspire. D’un côté, les super robots — puissants, spectaculaires, presque mystiques — qui pulvérisent leurs ennemis. De l’autre, les real robots, ancrés dans un univers plus technique, plus militaire, où la guerre suit ses propres règles.
Autrement que par l'esthétique, cette distinction impacte directement le gameplay. Les unités super sont souvent plus puissantes et extravagantes, mais aussi moins prévisibles. À l’inverse, les real misent sur la précision, la portée, la gestion des ressources. L’intérêt du jeu naît justement de ce contraste : composer une équipe cohérente entre réflexion et puissance brute est un exercice aussi grisant que complexe.
Chaque mission de Super Robot Wars se joue sur un champ de bataille quadrillé, où le joueur déploie ses unités dans une logique proche du jeu d’échecs, mais avec des variables infiniment plus riches. Le cœur du système repose sur un enchaînement de tours : à chaque phase, le joueur déplace ses robots, choisit leurs cibles, ajuste leur positionnement, puis l’ennemi réplique à son tour. Mais là où beaucoup de RPG du genre s’arrêtent à la gestion de classes ou d’objets, Super Robot Wars ajoute une couche essentielle : celle du lien entre le mecha et son pilote.
Chaque robot possède un ensemble de statistiques classiques — points de vie, énergie, défense, mobilité, portée des armes — mais aussi un arsenal propre inspiré directement de l’anime dont il est issu. À cela s’ajoute un facteur décisif : le pilote. Ce dernier a ses propres compétences, sa personnalité, ses statistiques (visée, esquive, attaque, etc.) et surtout ses Spirit Commands, une série de techniques spéciales temporaires proches de la magie dans un RPG classique. Ces commandes, consommant des points de volonté, permettent par exemple d’éviter automatiquement la prochaine attaque, de doubler les dégâts, ou d’augmenter la précision pendant un tour. Chaque pilote a un set unique de commandes augmentant le champ des possibles.
La gestion de la volonté (ou Morale) constitue un autre pilier du gameplay. Ce paramètre fluctue au cours du combat selon les actions du pilote : détruire un ennemi, subir une perte, activer une capacité spéciale… Plus un pilote a de volonté, plus il peut accéder à ses attaques les plus puissantes reprisent de l'anime mettant en scène son personnage. Cela encourage une dynamique de montée en puissance progressive, où les unités super deviennent particulièrement redoutables une fois pleinement motivées.
Sur le plan purement stratégique, chaque mission impose une série d’objectifs (détruire tous les ennemis, protéger une unité, survivre un certain nombre de tours), souvent accompagnés d’objectifs bonus plus difficiles à atteindre. Ceux-ci récompensent les joueurs attentifs avec des ressources supplémentaires ou des routes narratives alternatives. En parallèle, les systèmes de terrain et de compatibilité entre unités (affinités, bonus d’attaque combinée, soutien mutuel) ajoutent une couche supplémentaire à la lecture tactique.
Entre chaque mission, le joueur accède à une phase de gestion : amélioration des mechas, apprentissage de nouvelles compétences pour les pilotes, réaffectation des unités à différents rôles dans l’escouade. Cette dimension de progression est cumulative sur l’ensemble de la campagne, et certains épisodes introduisent des choix narratifs qui peuvent influencer les alliances, l’ordre des missions ou même la fin du jeu.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’impact visuel et narratif de chaque attaque. Contrairement à d’autres jeux de stratégie plus sobres, Super Robot Wars intègre des animations de combat détaillées — parfois longuettes — reproduisant fidèlement les scènes cultes des animés. Ces séquences servent aussi à identifier visuellement les capacités de chaque robot et renforcent la sensation de commander une armée de héros iconiques.
Il est très rare de tomber sur une licence niche de cette profondeur. Pour rendre le premier contact plus digeste, nous conclurons ici. Super Robot Wars redessine l'histoire de couples pilote/robot nombreux et variés et de séries qui le sont tout autant, il nous est donc impossible de tout couvrir en un seul article. Non loin d'être la licence crossover la plus dense de l'histoire du jeu vidéo, SRW mérite cependant ce premier contact. À la vue du nombre de licences abordées par la série, un visage familier ne manquera pas de faire vibrer votre nostalgie. Aujourd’hui, la franchise s’exporte enfin. Elle garde son attachement à la culture populaire nipponne, mais tend la main à tous les passionnés de robots géants, où qu’ils soient. Si l’idée de fusionner lignes temporelles, univers parallèles et bastons intergalactiques ne vous effraie pas, alors Super Robot Wars a peut-être déjà trouvé sa place dans votre ludothèque.
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