Accueil / Un royaume sans quête — Chapitre II — L'entre-deux

Un royaume sans quête — Chapitre II — L'entre-deux

À présent, ce que les gens appelaient le Syndrome Quest se manifestait dans le réel, une présence insidieuse, une maladie qui dévorait lentement les contours de la réalité. Le Héros, assimilé à un étranger, devenait la clef de voûte d’un phénomène dont personne ne mesurait encore l’ampleur. Dans les rues, les néons bourdonnaient comme s’ils se débattaient contre une malédiction invisible, et quelque chose, quelque part, semblait retenir sa force. Chaque geste n'était que dégradation.

Ce mal rongeant le moindre atome cherchait à effacer cet inconnu, à le détruire dans une volonté absurde et implacable. Comme si la simple existence de cet être incomplet était une aberration du réel. Tout autour de lui, les ruelles se pixellisaient lentement, se transformant en labyrinthes de pierres brisées, des fragments de châteaux accolés au béton, comme des éclats de mémoire laissés derrière. Les bâtiments, autrefois familiers, commençaient à exhiber des façades en pierres anciennes, des murailles de châteaux médiévaux s’insérant dans le modernisme de Tokyo. Un gratte-ciel se figeait dans la forme d’une tour, et un hôtel transformait son hall en une grande salle du trône, ses colonnes luisant d’un alliage étrange. Mais ces éléments n’étaient jamais complets, jamais parfaits. Ils apparaissaient comme des morceaux oubliés, collés maladroitement.

Tout ce qui avait été un jour lié à un monde médiéval-fantastique surgissait ici et là, à des endroits improbables : un dragon vert à l'angle d’une rue, un monstre dont les contours étaient évasifs et mouvants, comme une brume suspendue dans l’air. Une silhouette de chevalier apparut sur un panneau de publicité, clignant des yeux. C’était comme si tout un RPG se déversait maladroitement, cherchant une ouverture pour s’imposer. Et pourtant, la terre refusait de l’accepter, de l’absorber, rejetant cet étranger à coups de transformations erratiques et distordues. La réalité elle-même se tordait pour empêcher l'aventurier de s’ancrer pleinement parmi nous.

Les monstres commencèrent à se mouvoir. Pas comme dans les jeux vidéo, où ils surgissent dans un déluge de pixels colorés, mais comme des créatures bancales, des aberrations incomplètes. Un Slime apparut dans une ruelle, à moitié transparent, glissant mollement sur le sol. Des yeux énormes brillaient dans les ombres. Des sons étranges, comme des bruits de pas lourds, tels l'impact de plaques tectoniques, résonnaient autour de lui, mais quand il se retournait, il ne voyait rien. Ce que nous connaissions se voyait de plus en plus éloigné de sa forme initiale, dans une réaction en chaîne inarrêtable.

Un bruit étrange attira son attention : un coffre se matérialisa au bout de la rue, son cadenas rouillé émettant un cliquetis presque imperceptible. Il l'ouvrit. Sans stupéfaction, il savait qu’elle était là pour lui. Il savait qu’il en userait et que jamais il ne devrait s’en séparer. L’épée.

Au même moment, un grondement sourd secoua l’air, une vibration qui se propagea à travers les bâtiments. Des éclats de lumière se formèrent dans les rues comme des failles, laissant apparaître des monstres impossibles à décrire, plus nombreux à chaque seconde. Des visages s’agitaient dans les vitrines des magasins, comme s’ils souffraient d’un mal indicible.

Le justicier se rendit compte qu’il n’était pas le seul à subir cette douleur. Chaque être vivant autour de lui était à la fois déchiré et figé dans un état d’urgence. Les gens se parlaient sans se voir, comme des fantômes traversant un décor en ruine. Ils n’étaient plus que des témoins d’une transformation qu’ils ne pouvaient ni comprendre ni contrôler. Et pourtant, chacun, sans exception, portait en lui une pensée unique : « Aide-nous ! ».

Dans les hauteurs, un monstre gigantesque apparut, flottant dans le ciel comme une silhouette inexactement dessinée, ses ailes battant l’air avec une puissance surnaturelle. Et tandis que le guerrier levait les yeux, la bête rugit, une explosion de pixels et de code qui déchirait l’ombre de la ville.

Le sol trembla, et le ciel se teinta d’une lueur étrange. Il criait que le monde allait se défaire complètement, qu’il allait s’effondrer dans un chaos de couleurs désordonnées et de géométries impossibles. Tout autour de lui, les lignes se brouillaient. Tout était devenu flou, comme un jeu dont l’écran ne répondait plus. Puis, tout à coup, une patte gigantesque, couverte d’écailles et de griffes, fendit l’air dans une traînée de fissures noires déchirant la réalité. C’est alors que le vaillant leva son épée et, dans un geste assuré et rapide, protégea son visage, laissant le bout d’une griffe aiguisée lui marquer légèrement la peau sous l’œil droit, une petite goutte de sang perlant sur sa joue.

Le guerrier vacilla sous l'impact, le bruit de l’attaque résonnant jusqu'à la moindre parcelle de son corps. L'existant se pliait sous les coups, chaque souffle du monstre modifiant le tissu même de ce que nos yeux pouvaient bien percevoir. Il se redressa, serrant son épée, les muscles tendus, prêt à affronter cette entité chimérique.

L'immense créature se retrouva dans l’instant, suspendue au-dessus de lui, prête à fondre sur sa proie. Ses yeux clignotants brillaient d’une lueur rouge feu, une couleur qui ne ressemblait à rien de tangible. Elle rugit à nouveau, hurlant, secouant l’air de distortions.

Un éclair de lumière d’or jaillit de sa gueule, fendant le ciel tel une météorite. Le guerrier, dans un mouvement d’instinct, roula sur le côté, à peine esquivant la décharge, qui se ficha dans le sol avec un bruit de verre brisé. L’explosion de pixels se répandit autour de lui, fragmentant l’espace en morceaux invisibles, un chaos d’algorithmes se tordant dans toutes les directions.

« Tu ne fais pas partie de ce monde », souffla-t-il, la voix grave, plus déterminée que jamais. Il leva l’épée, et, tandis qu’il le faisait, des glyphes s'inscrivirent sur la lame, comme si le métal lui-même réagissait à la situation. Des scripts binaires flottaient autour de lui, des symboles mystiques qu’il n’avait jamais vus auparavant, comme si l’arme répondait à l’appel du combat, à une compilation céleste.

Le monstre s’élança à nouveau, plus rapide cette fois. Ses griffes frappèrent le sol avec un bruit sourd, et une vague de débris se déchaîna autour d’eux. Le guerrier repoussa l'attaque avec un coup sec, déviant la mâchoire de la créature qui s’abattait sur lui. Mais la bête était plus rapide qu’il ne l’avait anticipé. Avec un râle étrange, elle se redressa, et ses ailes déployées frappèrent l'asphalte avec une puissance inouïe. Une onde de choc balaya la zone, envoyant le guerrier valser à travers une ruelle.

Il roula sur le sol, se relevant avec difficulté, le corps douloureux, mais l’esprit toujours alerte. Dans un dernier effort, il se jeta en avant, bondissant pour se placer sous le monstre alors qu’il se préparait à repartir à l’assaut. Dans un mouvement fluide, il donna un coup d’épée dans les ailes de la créature, tranchant la membrane comme un tissu sous un couperet.

Le monstre poussa un cri de rage, ses ailes tremblant dans une nuée de fragments scintillants. Mais ce n’était pas suffisant. Le guerrier se concentra, sentant la chaleur du combat, l’adrénaline affluant dans ses veines. Il ferma les yeux un instant, s’imprégnant de la scène chaotique qui l’entourait.

— Je ne te laisserai pas tout détruire !

Kuro
Kuro

✅ Créateur du média

✅ Amateur de culture pop, JRPG et retrogaming

✅ À l'âge de 38 ans, mon JRPG préféré demeure Chrono Trigger !

💔 RIP Akira Toriyama, tu resteras à jamais dans nos coeurs...

Articles: 2965

Laisser un commentaire