Janvier se termine. Il fait froid, le soleil se couche plus vite que ma vieille grand-mère et bientôt on ne pourra plus dire bonne année. C’est cette grisaille maussade que le studio Yellow Brick Games vient éclairer avec son premier-né plein de couleurs, Eternal Strands.
Eternal Strands — Brins éternels d’où venez-vous ?
Yellow Brick Games naît en 2020 de l’action commune de quatre vétérans de l’industrie du jeu vidéo. Mike Laidlaw, Jeff Skalski, Thomas Giroux et Frédéric St-Laurent B. Sur le CV ça nous donne du Electronic Arts, du Bioware, du Ubisoft et du Blizzard. Même si aujourd’hui ces noms ne sont plus synonymes de hits assurés, on ne peut pas dire pour autant qu’il ne s’agit pas là d’une bien belle brochette d’expériences à la sauce vidéoludique.
Ces expériences, ils vont les mettre au service d’une structure bien plus petite. Comptant un peu plus de 60 employés au moment de la sortie d’Eternal Strands, le studio nous livre un produit indépendant et à l’image de leurs valeurs. De l’artisanat plus que de la production de masse, une vision particulière plutôt que générique, un effort d’équipe à la place d’un produit à la chaîne.
Leur volonté est de donner au joueur un espace de jeu privilégiant l’interaction et la créativité. Les outils mis à disposition de ce dernier lui permettant de développer son propre style de jeu et d’explorer le monde qui est mis à sa disposition. Avec de si louables intentions, mais une équipe de seulement 60 personnes et 4 ans d’ancienneté, ces engagements allaient ils être tenus ? Voyons cela ensemble !
Chemin de briques jaunes où m’emmènes-tu ?
Nous voici plongés au cœur du continent de Mayda. Ravagé il y a 50 ans par une vague de catastrophes occultes qui porte désormais le nom de Tempête, il revient peu à peu au calme après de nombreuses années de guerre et d’effondrement économique. Mais les détenteurs de pouvoirs magiques, portant ici le nom de Tisserands, ne sont plus aussi bien vus que par le passé.
En son centre se trouve l’Enclave. Autrefois cœur du commerce et du développement de la magie, les Tisserands qui s’y trouvaient lors de la Tempête décidèrent de s’isoler du monde extérieur en dressant une barrière réputée infranchissable, le Voile.
C’est non loin de l’Enclave et de nos jours que nous rencontrons Brynn, jeune pointe encore en formation et fraîchement arrivée au sein de la bande de Tisserands qu’elle accompagne. Au cours de sa première mission, nous apprendrons à la contrôler ainsi que ses pouvoirs principaux. Mouvements tels que le combat, le sprint et l’escalade basés sur sa jauge d’endurance. Ses pouvoirs magiques basés sur sa jauge de magie. Assez vite les interactions possibles avec l’environnement deviennent claires. Mais cette mission tournera court à l’arrivée d’un ennemi bien trop puissant et emmènera toute la bande au-delà du Voile avec l’aide d’un allié inattendu.
À présent dans l’Enclave, la bande va devoir se débrouiller et se reposer sur Brynn, seule pointe restante après que son mentor Oria ait été blessée peu avant le passage du Voile.
C’est ainsi que nous prenons contact avec les autres membres du groupe Cassmyn, Laen, Dahm, Sola et Sevastyan. Au travers de leurs dialogues — certains ouvrant sur des choix qui permettront d’influer sur la disposition du membre à notre égard — et de leurs quêtes que nous mènerons à bien, nous en apprendrons plus sur qui ils sont, mais aussi sur le monde en-dehors de l’Enclave. Et même si Eternal Strands reste un jeu d’action avant tout, nous pouvons ressentir tout de suite que le lore du jeu est développé. La magie a une existence physique, le monde du dehors existe, les peuples sont différents et leur utilisation de la magie aussi.
Magie que fais-tu ?
Il n’est pas difficile de comprendre que c’est bien ici que se trouve le pilier central du jeu. Le choix des deux pouvoirs de base nous donne un bon aperçu de ce qui est faisable. Le lien cinétique nous permet de soulever des éléments du décor et de les projeter sur l'environnement ou sur des ennemis. Ennemis qui sont eux-même projetables. Le mur de glace nous permet, quant à lui, d’ériger un obstacle entre nous et les ennemis ou de les geler, ainsi que de refroidir un chemin au milieu des flammes. Une fois habitué à ces deux pouvoirs de base, on se prend à essayer d’autres choses, comme créer un pont de glace entre deux rives. Et ça fonctionne (pour autant qu’on sache plus ou moins viser et manipuler le pouvoir).
Les autres capacités, ainsi que les niveaux supérieurs de celles qu’on possède, passeront par le "prélèvement" des ennemis principaux du jeu. Nous en reparlerons plus tard. En effet, je voudrais d’abord revenir sur les autres parties de ce qui fait le gameplay d’Eternal Strands. Parce qu’il ne s’agit pas simplement d’utiliser la magie et merci du voyage. C’est un peu plus subtil que cela. Voir même plus compliqué.
Petit retour personnel sur le subtil et le compliqué dans Eternal Strands
Brynn est avant tout équipée d’une épée et d’un bouclier. Au début de l’aventure c’est sa source principale de dégâts. Et comme pour ses pouvoirs magiques, c’est au joueur d’en découvrir les petites astuces. Le jeu vous dira comment frapper et comment bloquer. Mais pour le reste, il ne vous prendra pas par la main. Alors au détour d’un combat de base, on se rend compte que bloquer c’est bien, mais que les attaques de l’ennemi sont clairement visibles. Dans certains cas, on le voit clairement charger sa frappe. Se pourrait-il que ??? Oui elle existe ! La parade parfaite fait partie de l’arsenal de Brynn. Joie ! Cette parade permet de repousser l’adversaire et nous permet d’enchaîner. Mais avec quoi ? Et bien avec des coups d’épée. Coups d’épée que nous pratiquons sur l’environnement destructible et sur les ennemis depuis que nous avons mis les pieds dans la première zone explorable du jeu. Et puis, par inadvertance, le bouton du coup d’épée reste enfoncé un peu plus longtemps. Et surprise! Brynn possède aussi un coup chargé puissant avec son épée. En avant, coup puissant sur son lit de parade parfaite. Et cette parade fonctionnera aussi sur les ennemis vous envoyant des projectiles. Parade parfaite et retour à l’envoyeur (si vous êtes dans le bon angle).
Et heureux d’avoir compris tout ça, nous nous rendons compte qu’il ne nous reste que la moitié de la barre de vie et plus de tonique pour se soigner. Parce qu’aussi sympathique que soit le combat au corps-à-corps, Brynn semble peu adaptée à cette discipline. Ses mouvements ne lui permettraient pas de survivre dans un soulslike. Il faut repenser notre stratégie. Retour au camp. Discussion avec les membres de la bande et découverte de l’ampleur de la tâche à accomplir…
La pointe combat, la caravane se met en place.
En tant qu’action-RPG, le combat est le centre d’Eternal Strands. Forcément, quand les premières expériences nous laissent une Brynn blessée, voir tombée au combat et sauvée de justesse par Oria et un système de guidage et de téléportation d’urgence nommé l’Augure, on se demande comment résister plus longtemps. C’est par là que nous approchons pour la première fois les systèmes d’améliorations.
Et le sujet est vaste…
Chaque ennemi vaincu pourra laisser tomber une récompense. Pourra car ce butin n’est pas garanti. C’est la même chose pour les caisses et autres barils dispersés sur le chemin — un effet visuel marquera les conteneurs qui peuvent contenir des trouvailles. Ce loot sera classé par couleur en fonction de sa qualité et évidemment en fonction de sa rareté. Ce sont donc des ressources qui vont permettre de construire de l’équipement plus puissant. Ces ressources, outre ces dites caractéristiques, ont leurs spécificités. Les types sont : Taillé, forgé, tanné, tissé. Leurs qualités respectives — reconnaissables par un code couleur — permettent en fonction de leurs sources d’augmenter ou diminuer la défense physique, magique ou le poids de l’équipement — diminuant l'endurance de Brynn. C’est la même chose pour les armes qui sont, au final, de trois types : épée/bouclier, arc et épée à deux mains.
Les ressources, outre le fait qu’elles soient utiles pour construire du matériel, sont aussi nécessaires pour augmenter le niveau des stations de travail des membres de la bande.
Je suis né dans cette caravane...
C’est là que la caravane intervient. Cassmyn s’en occupe. Quand on lui parle, elle nous propose soit de changer d’équipement, soit de transformer nos ressources en matériel de camp, ou de faire évoluer les postes des dites stations de travail. Une fois améliorées, elles donneront accès à des services différents ou plus efficaces. On devra donc choisir quelles ressources sacrifier. On comprend que certaines ressources se trouvent plus facilement que d’autres, mais la quantité demandée est parfois importante. L’évolution de cette caravane permettra à Brynn d’emporter plus d’objets dans son inventaire et d’en sauvegarder plus si elle venait à tomber au combat. En effet, dans cette situation, Brynn est téléportée au camp par l’Augure, mais ne peut emporter avec elle tout son inventaire.
Sola, la forgeronne, permet de fabriquer, reforger, améliorer ou démonter des pièces d’équipement en utilisant des ressources spécifiques, sans mélange possible. L’amélioration de la forge augmente la qualité des pièces créées. Laen, l’alchimiste, prépare des toniques et compile le codex, offrant des informations utiles sur l’environnement explorer par Brynn. L’évolution de sa station améliore l’efficacité des potions. Enfin, Dahm, spécialiste des pouvoirs magiques, permet à Brynn d’acquérir et renforcer ses capacités en utilisant des filaments magiques extraits des ennemis majeurs. L’amélioration de son atelier accroît la puissance des pouvoirs, rendant Brynn plus redoutable au combat.
Pouvoirs de quoi êtes-vous faits ?
Chaque zone a son ennemi majeur à vaincre une ou plusieurs fois. Chacun représente un élément de la magie que manipule Brynn — Cinétique, glace et feu. Attention cependant, il ne s’agit pas de les battre à proprement parler. D’ailleurs leurs tailles font comprendre tout de suite que taper dessus ne servirait à rien. Ici la référence faite par certains à Shadow of the Colossus prend tout son sens. Parce que nos ennemis majeurs, il va falloir les escalader. Leur grimper dessus et ne pas les lâcher. Gérer cette barre d’endurance que nous avons appris à connaître quand Brynn se mettait à sprinter, à frapper ou à escalader le décor. Trouver des endroits sur les bestiaux pour nous reposer si c’est possible.
Appuyer sur le bon bouton au bon moment pour nous accrocher si un dragon essaye de nous faire vaciller ou qu’un robot magique géant se secoue la jambe pour nous faire lâcher prise. Courir sur une échine pour aller d’une plaque osseuse à l’autre et la détruire. Détruire les rivets d’une armure, brûler une fourrure ou éteindre un brasier pour enfin mettre au jour le point faible du monstre et lui arracher. Tirer de toutes ces forces sur ce filament magique et l’arracher au béhémoth cristallin ou au géant de magie solidifié. Pour faire que sa puissance soit la nôtre.
Si je me suis attardé sur ces questions, c’est pour essayer au mieux de transmettre ce qu’est la boucle de gameplay dans Eternal Strands. Partir explorer, découvrir des ennemis, des zones bloquées, amasser du butin, construire de l’équipement adapté, partir à nouveau explorer, découvrir de nouveaux plans de construction, amasser du butin, construire, recommencer...
Si vous êtes habitués à ce genre d’occupations, proche sous certains aspects d’un Monster Hunter, Eternal Strands va vous donner ce que vous attendez. Si ce n’est pas le cas, passez votre chemin, l’expérience ne sera probablement pas très plaisante.
Eternal Strands à quoi ressembles-tu ?
Les choix artistiques du studio ne déçoivent pas. Les designs des personnages est fait dans un style qui s’approche de choses déjà vues. Mais c’est du solide et de l’éprouvé. Mention spéciale pour les anthropomorphiques qui sortent des références habituelles des animaux de compagnie et que je trouve personnellement à la fois bien pensés et bien réalisés — J’aimerais vraiment pouvoir jouer un personnage du peuple d’Oria ou de Sevastyan un jour. Les solutions trouvées par le studio pour les cinématiques et les dialogues sont dans le même ordre d’idée. Solides, éprouvées et bien pensées. Les cinématiques à proprement parler sont plutôt rares. Faites en animation 2D, elles transmettent ce qu’elles doivent transmettre et restent courtes. C’est un bon moyen de faire des économies et d’éviter de faire appel à des studios extérieurs. Les dialogues sont en plan fixe des personnages qui y participent. Les expressions faciales changent en fonction de leurs humeurs. Les informations sont transmises clairement et efficacement. Et même si c’est avant tout un bon point d’économie, rien à redire là-dessus non plus.
Au niveau de la construction du monde, le principe des zones délimitées est efficace et permet de savoir où on met les pieds et quoi aller y chercher. De plus les dimensions de ces zones sont tout à fait correctes et permettent une exploration approfondie sans trop se perdre. La verticalité est parfois trop limitée, mais c’est une question de goût. Artistiquement parlant, là aussi, c’est bien mis en image. Il y a une identité définie pour les zones et le travail est bien fait. C’est beau et reconnaissable. Un joli voyage dans un monde fantasy technico-magique, que demander de plus ?
Mon avis sur Eternal Strands
Je reste divisé sur ce jeu. Je ne peux en dire que du bien pour ce qu’il est. Un premier jeu d’un studio nouvellement créé. Un jeu indépendant dans le vrai sens du terme. Une volonté de revenir à une sorte d’artisanat dans un marché qui devient de plus en plus rongé par des sociétés qui ne voient que le profit et qui n’essayent plus rien. Un objet vidéoludique aux bases solides, aussi bien artistiquement que techniquement.
La volonté du studio d’innover, en proposant sa vision propre, fonctionne. C’est un mélange de mécaniques déjà vues, certes, mais traitées et combinées différemment. Chaque élément est maîtrisé et procure de la satisfaction — sauf peut-être le combat au corps à corps, mais le studio a déjà fait part de sa volonté de patcher cet aspect du jeu sur base des retours de la communauté.
C’est dans la globalité du jeu que je ne m’y retrouve pas. Chaque élément pris à part est bon. Mais c’est cette sauce qui fait prendre le tout que je ne retrouve pas.
J’aime le fait de pouvoir utiliser la magie pour différentes situations, mais c’est quand même le plus souvent pour combattre des ennemis assez peu variés. Ensuite, les zones sont assez grandes pour être explorées, cependant, la densité et l’agressivité de ces ennemis m’empêchent d'expérimenter mes nouveaux. En outre, les combats contre les ennemis majeurs sont bien mis en scène, et le challenge est présent. Par ailleurs, tout ce que j’ai pu apprendre pendant mes expéditions ne me rend pas plus apte à les combattre.
Au final je dirai ceci :
Yellow Brick Games a eu le cran de suivre sa propre vision. C’est tellement rare de nos jours qu’on ne peut que les en féliciter. Oser un jeu si imposant de par ses mécaniques et son monde avec une si petite équipe et un niveau de qualité aussi haut met en lumière leur savoir-faire. Prendre le parti de faire confiance au joueur, en ne le guidant que peu et ne le forçant à rien, démontre qu’ils le comprennent. C’était à prévoir qu’il y aurait certains manquements. Mais chapeau bas pour le travail, Yellow Brick Games. Je suivrai votre évolution à coup sûr.
Alors si vous êtes fan de RPG d'action, que le combat comme la disparité entre les mécaniques ne vous fait pas peur et que vous avez 40€ ainsi que 40 heures à disposition, vous pourriez trouver là un sympathique moment à passer.
Eternal Strands est disponible depuis le 28 janvier sur PlayStation 5, Xbox Series et PC via Steam et Epic Games Store.
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Eternal Strands
- Développeur : Yellow Brick Games
- Éditeur : Yellow Brick Games
- Genres : Action
- Consoles : PS5, PC, Series
- Scénario 70%
- Technique 80%
- Gameplay 70%
- Plaisir 60%
- Un monde cohérent
- Des personnages bien développés
- Une narration fluide
- Une magie flexible et ludique
- Un système d’équipement poussé
- Des compétences utiles partout
- Des astuces ingénieuses pour réduire les coûts de production
- Des designs réussis
- Des environnements variés et immersifs
- Une histoire qui méritait d’être plus développée, même en plan fixe
- L’Enclave offrait un potentiel narratif sous-exploité
- Un combat au corps à corps limité (en cours de patch)
- Un écart marqué entre combats classiques et majeurs
- Une progression parfois confuse
- Une exploration trop hachée par les ennemis
- Un bestiaire de base parfois répétitif
- Une accumulation de petits défauts qui détourne l’attention