Algolemeth — Serions-nous prêts à apprendre l'algorithme ?

Medium-Rare Games communique sur sa première production depuis 2023 — Algolemeth —, qui parcourt les festivals de développeurs indépendants pour susciter l'engouement. Le jeu se situe à mi-chemin entre un Wizardry inachevé et un CodeCombat simplifié. En effet, si vous souhaitez venir à bout d'un donjon, il vous faudra créer vous-même l'algorithme… Contraction d'algorithme, golem et emeth — "vérité" ou "fidélité" en hébreu —, le jeu bouscule les codes de la stratégie au tour par tour classique pour nous faire poser les mains sur ce qui vient… avant.

Derrière Algolemeth, un seul esprit : celui de Tomohiro Iizuka, alias gunzee2, artisan solitaire de Medium-Rare Games. Jusqu'ici connu pour ses jeux gratuits à petite échelle, il fait avec Algolemeth son entrée dans l'arène commerciale et autant dire qu'il ne vient pas les mains vides. Salué à BitSummit 2023 et repéré par IGN parmi les dix titres les plus marquants du salon, le jeu n'a arrêté de faire parler de lui à mesure que ses golems auto-pilotés gagnaient en complexité. De la programmation à la direction créative, Iizuka signe tout, main dans le cambouis, esprit dans les nuages de logique pure. Algolemeth, c'est un peu son laboratoire.

Dans le soft, on ne joue pas vraiment — on planifie, on observe, on apprend. RPG de donjon atypique, ce titre signé Medium-Rare Games vous glisse dans la blouse d'un alchimiste-programmeur, concepteur de golems à l'intelligence artificielle maison. Pas de clic frénétique ici : chaque expédition dans les profondeurs se joue à l'avance, dans les lignes de code que vous implantez dans vos créatures. Une fois lâchés dans le donjon, ils ne vous obéiront plus. Ils suivront la logique. La vôtre.

Golem

Créature d'argile issue des légendes juives médiévales, le golem est animé par un mot sacré — emeth (vérité) — inscrit sur son front par un rabbin. Protecteur silencieux de la communauté, il obéit sans réfléchir... jusqu'à ce qu'on l'éteigne en effaçant la première lettre, ne laissant que meth (mort). Symbole d'un pouvoir à la fois salvateur et dangereux, il incarne la frontière trouble entre création et contrôle.

Mais dans ce ballet automatisé d'armures et d'algorithmes, l'enjeu reste très humain : comprendre, échouer, ajuster. Observez ses golems tomber dans un piège une fois, deux fois… et à la troisième, voir la boucle se fermer, le comportement changer, la victoire se profiler. Loin d'un simple simulateur, Algolemeth propose une forme d'exploration cérébrale, où la moindre décision peut faire la différence. Et pendant que vos créations s'élancent vers l'inconnu, les nappes FM de Yuzo Koshiro vous murmurent que oui — la Sega Genesis n'est jamais très loin.

Fort de sa communication, le compte X du RPG est alimenté régulièrement. Depuis ses premières apparitions publiques au BitSummit 2024, Algolemeth n'a arrêté de se transformer sous les yeux des joueurs... et surtout grâce à eux. Tomohiro Iizuka écoute. Lorsqu'on dit que "regarder ses golems se battre, c'est un peu lent", il retire la limitation de vitesse. Quand les retours pointent une interface trop rigide ou confuse, il repense l'édition des modules, ajoute des animations claires pour les connexions ou des chiffres rouges pour les coups critiques. Le donjon évolue, oui, mais le vrai changement est dans le regard porté sur l'expérience joueur : une volonté constante de lisibilité, confort et clarté.

Côté gameplay, l'exploration automatisée a gagné en finesse. Ce qui, en juillet 2024, n'était qu'un algorithme de progression en ligne droite a été enrichi de marqueurs, d'instructions précises, de nouveaux systèmes de navigation (interrupteurs, portes à sens unique, pièges), et même d'un système de détection d'éléments sur la carte. Les golems ne foncent plus tête baissée : c'est une "IA" stratégique de jeu vidéo, conçue par vous, pour dompter un labyrinthe piégé et cruel. Chaque ajout mécanique est une extension logique de cette philosophie du contrôle indirect.

Enfin, chaque mise à jour témoigne d'une obsession : améliorer l'expérience, sans jamais trahir son automatisation. Des animations quand un golem se heurte à un mur, des modules combinables pour créer de la logique avancée, une gestion du carburant qui devient un enjeu stratégique, et toujours ce souci du détail. Même le simple fait de déplacer un module dans l'éditeur a été revu.

Le tour par tour n'est pas mort. Nous en avons fait l'expérience ces dernières années avec des productions telles que Sea of Stars et son système de combat synchronisé, ou même le plus récent Clair Obscur: Expedition 33 et sa mise en place de l'esquive obligatoire. Il est difficile de jouer avec le genre, qui par définition reste statique. Algolemeth nous laisse sur la touche, mais pas tant que ça. C'est dans la planification de la moindre réaction qu'il faudra mettre le doigt. D'autres jeux, tels qu'Etrian Odyssey, nous obligeaient à planifier chacun de nos tours, en voir les résultats, les adapter, pour ne pas finir en carpette. Le projet de Medium-Rare Games nous indique qu'il faut tous les orchestrer, et l'issue n'en sera que plus gratifiante — mais aussi plus cruelle si, d'aventure, nos embranchements logiques possèdent des failles...