L’enfer a une nouvelle prêtresse, et elle a perdu la mémoire. C’est ainsi que s’ouvre Hell Maiden, le tout nouveau projet d’AstralShift, studio déjà remarqué pour ses expériences sensorielles comme Little Goody Two Shoes ou Pocket Mirror. Mais ici, exit les ruelles gothiques aux teintes de conte macabre. Place à l’action, au fracas des vagues d’ennemis et aux cartes qui claquent comme des sentences. Avec Hell Maiden, AstralShift s’attaque à rien de moins qu’un monument de la littérature : La Divine Comédie de Dante Alighieri. Et autant dire que le résultat ne ressemble à rien de ce que vous avez pu voir jusqu’ici...
— Dante's Inferno, piano piano, primo la storia !
La Divine Comédie, écrite par Dante Alighieri au début du XIVe siècle, est l’un des chefs-d’œuvre incontestés de la littérature. Ce poème épique, rédigé en italien vulgaire plutôt qu’en latin, marque une rupture majeure dans la tradition littéraire de son époque. Composée de trois parties — L’Enfer, Le Purgatoire et Le Paradis —, l’œuvre relate le voyage imaginaire de Dante à travers les trois royaumes de l’au-delà, guidé d’abord par le poète romain Virgile, puis par Béatrice, incarnation de la grâce divine. Par cette odyssée mystique, Dante cherche à transcender le péché et atteindre la rédemption, offrant en parallèle une critique acérée de la société florentine et des figures politiques et religieuses de son temps.
L’œuvre est profondément symbolique, structurée selon une architecture rigoureuse : chaque royaume est divisé en cercles, corniches ou sphères correspondant à différents types de péchés ou de vertus, et chaque partie est composée de 33 chants, à l’exception de l’Enfer, qui en compte un de plus, pour un total de 100 chants. Dante mêle allégories théologiques, références classiques, visions apocalyptiques et éléments personnels pour construire une cosmogonie poétique d’une richesse inégalée. Il y explore non seulement les conséquences du péché et les étapes de la purification, mais aussi la nature de l’amour divin, de la justice céleste et du libre arbitre humain.


Toute une influence
T.S. Eliot admirait beaucoup Dante et La Divine Comédie, qu'il considérait comme un modèle stylistique et existentiel. Il voyait en Dante un poète qui explorait l'étendue complète des émotions humaines, y compris spirituelles, et dont la vision allégorique était efficace pour transmettre des idées complexes. Pour Eliot, l'œuvre de Dante était fondamentale pour comprendre la poésie moderne et la tradition littéraire.
Rodin, quant à lui, érigera le Porte de l'Enfer, bas-relief inspiré de ce même récit.
La Divine Comédie a eu une incontestable influence sur la culture occidentale, tant dans la littérature que dans l’art, la théologie ou la philosophie. Elle a inspiré des générations d’artistes, de Botticelli à Rodin, ainsi que de nombreux écrivains, comme T.S. Eliot ou Borges. Son importance tient aussi au fait qu’elle a contribué à élever la langue italienne à un statut littéraire. Œuvre à la fois spirituelle et politique, elle reste aujourd’hui une source de réflexion inépuisable sur la condition humaine, la souffrance, l’espérance et la quête du sens.
— Mais revenons en à l'adaptation d’AstralShift, Che vuoi che sia ?
Dante – oui, la Dante – revient de Paradiso sans aucun souvenir de sa première traversée des neuf cercles. Amnésique, jetée de nouveau dans l’abîme infernal, elle devra tout réapprendre, tout reconquérir. À ses côtés, on retrouve Virgile, toujours aussi stoïque, et la lumineuse Béatrice, transformée ici en sorte de gardienne sanctifiée. Mais ce trio n’est pas seul : les Poètes de Limbe attendent, prisonniers du chaos. Ovide, Homère, Lucain, Horacedont… Tous réduits au silence, tous comptent sur Dante pour leur ouvrir un chemin vers la rédemption.






Le jeu prend des airs de rogue-lite, à mi-chemin entre Vampire Survivors et un bullet hell poétique. Les mécaniques de Hell Maiden reposent sur un système de deckbuilding, où chaque carte peut être combinée, fusionnée ou sacrifiée pour créer de nombreux builds. On empile les bénédictions, on s’arme d’attaques ultimes signées par des poètes déchus, et on tente de survivre à l’impossible. Chaque cercle de l’Enfer devient un champ de bataille, chaque vague une strophe de feu et d’acier.









Graphiquement, le jeu affiche une esthétique rétro très marquée, avec des textures qui rappellent les années 2000, mais que viennent sublimer des environnements peints à la main, des animations 2D dynamiques et des attaques ultimes à grand spectacle. Chaque carte illustrée évoque un tarot gothique, entre mysticisme et symbolisme décadent. Le tout est porté par une bande-son originale, mélange improbable de musique de danse baroque et d’élans gothiques, qui donne au jeu cette touche aristocratique si chère au studio.— Impazienza !
C’est surtout dans sa réinvention du matériau d’origine que le jeu surprend. Le développeur promet que Hell Maiden ne se contentera pas d’adapter La Divine Comédie — il la féminisera. Tous les personnages majeurs sont réimaginés au féminin, dans un esprit qui évoque autant Touhou Project que les héroïnes baroques des JRPG classiques. On passe de l’allégorie chrétienne à un ballet effréné de sorts et de cartes, sans jamais perdre le fil de la quête existentielle. Car sous la surface, Hell Maiden reste une histoire de rédemption, de mémoire à reconstruire, et de salut à gagner – pour soi, et pour les autres.
Hell Maiden s’annonce comme une proposition aussi audacieuse que séduisante. Un hommage sous acide à Dante, oui, mais aussi une déclaration d’amour au jeu vidéo indépendant, capable de mêler érudition littéraire et fureur ludique que nous apprécions tant. Reste à voir si toutes les promesses du développeur feront de Hell Maiden une production aussi réussie que Little Goody Two Shoes — pour l’instant, la proposition séduit.
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