À l’heure où la scène indépendante regorge de JRPG ambitieux comme Sea of Stars, Chained Echoes ou encore Clair Obscur: Expedition 33, se faire une place devient un véritable défi pour les petits studios. C’est pourtant le pari de Decafesoft avec Starlight Legacy, un développeur solo japonais passionné, qui nous livre un jeu aux inspirations claires : des combats à la Final Fantasy, une exploration façon Pokémon. Classique sur le papier, mais cette aventure old-school saura-t-elle captiver jusqu’au bout, ou faudra-t-il passer son chemin ? Réponse dans ce test.
— Arrêtons-nous un instant sur l'histoire...
Depuis des générations, le royaume d’Evaria prospère sous la bénédiction silencieuse de l’Arbre d’Éternité — un colosse végétal sacré qui purifie l’air, enrichit les terres et maintient l’équilibre fragile entre les quatre provinces. Mais derrière cette harmonie apparente, une décision royale va tout bouleverser : l’interdiction formelle d’enseigner la magie. Ce décret, mal accueilli par le peuple du Ciel, enclenche un mouvement séparatiste prêt à faire vaciller l’unité du royaume.
C’est dans ce climat tendu que deux guerriers, Ignus et Teryl, se voient confier une mission simple : livrer une épée commandée par le roi. Une tâche de routine… jusqu’au moment où le pire survient. Une attaque mystérieuse frappe le cœur même du royaume, flétrissant l’Arbre d’Éternité et précipitant Evaria vers le chaos.
Ignus et Teryl n’ont désormais plus qu’un objectif : sauver ce monde qui vacille. Leur voyage ne fait que commencer — un périple à travers un monde interconnecté, où chaque pas les rapproche d’une vérité bien plus vaste que ce qu’ils auraient pu imaginer.
En réalité, le but est simple : parcourir Evaria, affronter ses dangers, et récupérer les reliques Starlight, seules capables de redonner vie à l’Arbre. Une quête à l’échelle d’un monde en ruine, où chaque relique retrouvée est un pas vers le salut...
Pourtant, sous ses airs grandioses, on sent vite que Decafesoft manque de maîtrise narrative : les retournements tombent comme des évidences, la progression se dessine à l’avance, et ce qui aurait dû devenir une épopée marquante vire peu à peu à la parodie de JRPG. Chaque étape de la quête peine à surprendre, et l'attention s’en trouve irrémédiablement émoussée. Les quelques tentatives d’humour, bien que remplies de clins d’œil évidents aux classiques du genre, tombent souvent à plat. On comprend les références, on reconnaît les hommages, mais la mise en place est forcée et manque de finesse, et l’écriture peine à trouver le bon ton. Il est clair que le développeur est un amoureux inconditionnel des JRPG, mais dans le cas de Starlight Legacy, la passion seule ne suffit pas à faire oublier un manque de maîtrise narrative.
— Le roi, lui-même, censé représenter l'autorité ultime sur le royaume d'Evaria, est totalement en roue libre, comme s'il improvisait ses ordres en fonction des événements se produisant...
L'exploration dans Starlight Legacy mise sur une progression à l’ancienne, façon Pokémon. Chaque continent visité vous octroie une nouvelle capacité : briser des rochers, survoler les zones inaccessibles à l’aide d’un tapis volant, ou voguer sur les rivières grâce à un radeau. Ces outils permettent non seulement d’avancer, mais aussi de revenir sur vos pas pour dénicher des trésors laissés derrière en début d’aventure… à condition de tolérer quelques allers-retours.
— Et surtout les longs détours fatigants, avec des zigzags à n’en plus finir.
Rien ne laisse cependant place à la surprise. Le level design reste très balisé, et les secrets sont à peine dissimulés. Il suffit de garder l’œil ouvert pour tout repérer du premier coup, sans réel sentiment de découverte ou de récompense. L’exploration devient alors automatique, loin de l’émerveillement que ce type de progression pourrait susciter.
En combat, Starlight Legacy opte pour du tour par tour des plus classiques, rappelant les premiers Final Fantasy (épisodes I et II), avec une légère touche d’inspiration à la Pokémon. Chaque personnage dispose d’attaques simples et d’un tour bien défini, sans grande originalité. Seule Frida se démarque un peu : à chaque fois qu’elle terrasse un monstre, elle peut ensuite l’invoquer pour une attaque unique. Quant à Ignis et Tery, il n'ont pas de personnalité en combat, leurs compétences sont presque interchangeables, rendant les combats rapidement répétitifs.




La seule vraie subtilité du système réside dans l’attribution d’un type élémentaire à chaque personnage — feu, glace, terre, etc. Une fois assigné, ce type détermine non seulement la puissance des compétences élémentaire, mais aussi les faiblesses du personnage. Cela ajoute une légère couche de stratégie, obligeant à réfléchir un minimum à la composition de l’équipe face aux ennemis rencontrés et aux zones visitées.
En effet, chaque continent visité correspond à un biome clairement associé à un élément. En toute logique, les monstres que vous y affrontez partagent ce dernier. Mais là encore, le jeu peine à surprendre : une fois les terres identifiés, vous pouvez aisément anticiper les ennemis, leurs faiblesses et les stratégies à adopter. Ce choix de design, bien qu’accessible, renforce son caractère prévisible.
Malheureusement, cette mécanique reste largement sous-exploitée. Plutôt que de proposer de vrais défis tactiques, le jeu se contente d’augmenter le nombre d’ennemis aux types variés pour créer une illusion de difficulté. Résultat : on jongle plus par obligation que par réelle stratégie, et les affrontements finissent par manquer de profondeur malgré un système qui, sur le papier, avait du potentiel. Un système de rage vient également s’ajouter à l’équation. Chaque personnage possède une jauge qui se remplit au fil des combats, en attaquant ou en subissant des dégâts. Une fois pleine, elle permet de déclencher un état de puissance temporaire — nommée Rage —, rendant le personnage plus fort et plus résistant pendant quelques tours.
Côté progression, Starlight Legacy opte pour une approche simple et fonctionnelle. Les compétences s’apprennent automatiquement en montant de niveau, suivant une courbe d’évolution linéaire sans réel choix de spécialisation. Les sorts, quant à eux, ne s’obtiennent pas en combat ni via des quêtes, mais doivent être achetés en boutique. Un système old-school qui rappelle les JRPG des années 90, mais qui manque cruellement de flexibilité et de personnalisation. On avance, on gagne, on achète — sans jamais vraiment avoir l’impression de façonner son équipe selon son style de jeu.
La direction artistique, quant à elle, peine à imposer une identité propre. Elle manque clairement de personnalité, avec des environnements et des sprites qui rappellent fortement ceux de la licence de Game Freak — au point que certains assets semblent directement repris ou largement inspirés. Si l’ensemble reste visuellement cohérent dans une esthétique mediéval-fantastique, cette familiarité trop marquée empêche Starlight Legacy de se forger un univers visuel, donnant parfois l’impression de jouer à un fan game plus qu’à une création originale.
Les personnages masculins, en particulier les protagonistes, semblent tout droit sortis d’un générateur Pokémon. Beaucoup évoquent clairement Régis, le rival des premiers jeux, comme si on s’était contenté de lui changer la couleur des cheveux et des yeux pour éviter le copier-coller flagrant — Un vrai manque d'originalité, une DA qui se repose trop sur ses références.
La musique, elle, s’en sort plutôt bien. Les morceaux piochent dans plusieurs styles et auraient clairement leur place dans un bon vieux JRPG. Chaque thème colle bien à l’ambiance et au déroulé du jeu, mais aucune ne m'a franchement marquée. Globalement, les compositions ont un rythme assez posé — y compris pendant les combats. Ce n'est pas l'OST la plus développée que j'ai pu entendre, mais elle reste acceptable pour ce type de jeu.
Pour conclure, même si le prix de Starlight Legacy reste modeste, j’aurais du mal à vous le recommander. La passion du développeur pour les JRPG transparaît, certes, mais elle ne suffit pas à compenser un scénario maladroit, un gameplay trop classique et une direction artistique sans réelle identité. D’autres titres dans la même tranche de prix (en promotion par exemple) proposent des expériences bien plus abouties, mieux écrites, et surtout portées par une volonté de rafraichir les codes du genre. On pense notamment à Chained Echoes, qui parvient à moderniser le tour par tour tout en respectant ses racines, ou encore à Sea of Stars, dont l’esthétique léchée et les mécaniques de combat dynamiques redonnent du souffle aux affrontements. Des jeux qui, eux, prouvent qu’avec les bons choix de design artistiques et ludiques, on peut rendre hommage aux classiques tout en apportant quelque chose de vraiment nouveau.
Jeux liés à cet article
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Starlight Legacy
- Date de sortie (japon) : 28/05/2025
- Date de sortie (Europe) : 28/05/2025
- Développeur : Decafesoft
- Éditeur : Eastasiasoft
- Genres : Tour par tour
- Consoles : PS4, PS5, Switch, PC, Series, One
- Scénario 50%
- Technique 70%
- Gameplay 60%
- Plaisir 60%
- Le prix
- Les options de qualité de vie (pas de rencontre aléatoire, multiplicateur d'expérience)
- L'OST
- La DA calquée sur Pokémon
- Les personnages creux
- L'humour forcé
- Aucun effort sur le système de combat