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Class of Heroes — Découverte d'une saga scolaire du dungeon-RPG

Dans la pénombre d’un couloir voûté, la lueur vacillante d’une torche révèle un groupe disparate — elfes, nains, humains et autres créatures — avançant en rangs serrés. Ce ne sont pas de valeureux chevaliers vétérans, mais de simples étudiants en quête de bonnes notes, explorant un labyrinthe peuplé de monstres pour réussir leur examen final. Bienvenue dans l’univers de Class of Heroes, une série japonaise qui mélange allègrement la fantasy classique et la vie scolaire.

La rédaction de JRPGFR louche depuis un moment sur ces jeux et nous avions envie d'en découvrir plus et par la même occasion, vous partager nos recherches — parce que nous sommes gentils !

Née sur PSP en 2008, la licence Class of Heroes — littéralement : Épées, Magie et Vie Scolaire en japonais — a su s’imposer une identité à part dans le petit monde du dungeon-RPG. Elle propose au joueur d’incarner non pas un élu archétypal, mais un élève d’académie dont les examens prennent la forme de périlleuses explorations de donjons. Le 18 septembre 2025 au Japon, Acquire publiera sur PlayStation 5 et Nintendo Switch une compilation baptisée Class of Heroes 1 2 3 Remaster Collection, réunissant les trois premiers opus entièrement remasterisés : Class of Heroes: Anniversary Edition (remake du 1), Class of Heroes 2G: Remaster Edition (version améliorée du 2) et Class of Heroes 3: Remaster. Si les deux premiers titres sont déjà disponibles chez nous, le troisième opus arrivera en même temps que la compilation japonaise.

Aux origines de Class of Heroes : Wizardry à l’école

À la fin des années 2000, le studio japonais Acquireconnu pour Tenchu ou Way of the Samurai — décide d’explorer le genre du dungeon-RPG à l’ancienne, introduit par Wizardry. Plutôt que de suivre le ton austère de ce dernier, Acquire opte pour une approche plus enfantine : transposer l’exploration de donjons dans un cadre scolaire léger et coloré. Class of Heroes premier du nom sort ainsi sur PSP en 2008 au Japon (2009 en Amérique du Nord via Atlus) et jette les bases de la licence. Le joueur y crée sa classe d’aventuriers parmi les élèves de la prestigieuse Académie Particus, établissement spécialisé dans la formation de chasseurs de trésors et de combattants de monstres.

Ce point de départ donne à la série sa saveur unique. Alors que la plupart des dungeon-crawlers présentent des univers sombres et sérieux, Class of Heroes assume un ton résolument léger et décalé, rempli de clins d’œil et de fantaisie juvénile. Cette atmosphère d’heroic-fantasy structure le gameplay, avec des quêtes proposées par les professeurs sur le tableau d’affichage du campus, des exams sous forme de missions en donjon, et même la nécessité de récupérer les dépouilles de camarades tombés au combat pour leur éviter le redoublement...

Class of heroes: Anniversary Edition

Malgré cette bonne humeur ambiante, la série puise bien ses racines du RPG à l'ancienne. La progression se fait en vue subjective, case par case, dans des labyrinthes truffés de pièges vicieux et de monstres agressifs apparaissant aléatoirement. Les combats se déroulent au tour par tour et requièrent une préparation rigoureuse. Class of Heroes se s'extirpe cependant de la difficulté extrême de ses pairs par une accessibilité bienvenue : dès le premier opus, Acquire et son développeur Zerodiv ont intégré des cours facultatifs en début de partie pour guider les novices dans la formation de leur équipe, l’exploration et les subtilités du combat. Ces leçons données par les profs de l’académie servent de tutoriel en douceur pour les débutants, tout en restant optionnelles pour les vétérans qui préfèrent se lancer directement à l’aventure. Cette volonté de ne pas rebuter d’emblée le joueur tranche avec la réputation d’élitisme souvent associée à ce type de jeux — pas vrai Etrian Odyssey ?

Créer sa classe d’aventuriers : races, « majors » et systèmes de jeu

L’un des atouts de Class of Heroes réside dans la profondeur de la création de personnages. À l’inscription à l’Académie, le joueur compose un groupe de six étudiants en choisissant pour chacun la race, le sexe, l’alignement (Bon, Neutre ou Mauvais) et surtout la « major » (spécialisation) qui correspond en fait à sa classe d’aventurier. Le jeu propose un éventail de dix races : les Humains polyvalents côtoient Elfes érudits, Nains robustes, Halflings voleurs agiles, mais aussi des créatures plus exotiques comme les féeriques Sprites, les félins anthropomorphes Felpiers, les fiers Drakes aux écailles de dragon, les angéliques Celestians ou au contraire les démoniaques Diablons. Chacune de ces races entretient des affinités et inimitiés avec les autres, un élément à considérer lors de la composition de l’équipe pour éviter les dissensions internes.

Class of heroes
Class of heroes: Anniversary Edition

Quant aux majors, elles représentent les disciplines étudiées par vos élèves aventuriers. On y retrouve les classiques Guerrier, Mage noir, Mage blanc, Ranger, Voleur, Moine..., mais aussi des spécialisations propres à l’univers farfelu de Class of Heroes. Au fil des épisodes, la série s’est en effet fait connaître pour ses classes inédites et insolites, preuve de son humour décalé : on compte par exemple une classe d’Infirmière experte en soins, des Nonnes maniant la magie divine, ou même une classe dite « Tsundere » (clin d’œil aux stéréotypes des héroïnes de manga) capable d’attaques de glace et de soins par pur esprit de contradiction ! Dans l’ultime épisode PSP (Class of Heroes Final, spin-off de 2011), Acquire ira jusqu’à proposer les rôles de « Grand Frère/Sœur » et « Petit Frère/Sœur » — littéralement des classes basées sur des tropes de l'animation nipponne. Si ces excentricités n’apparaissent pas toutes dans les trois premiers volets, elles illustrent le parti-pris de la série : dépoussiérer les mécaniques par une touche de fantaisie et de second degré, sans les sacrifier.

Class of heroes
Class of heroes: Anniversary Edition

En termes de mécaniques pures, Class of Heroes n’hésite pas à emprunter aux vieux briscards du dungeon-RPG tout en y apportant des ajustements. Par exemple, dans le premier épisode, la magie fonctionne avec un système de sortilèges à utilisations limitées par niveau (comme dans Wizardry ou Donjons & Dragons) : un magicien novice ne peut lancer qu’un nombre restreint de sorts avant de devoir se reposer. Mais dès Class of Heroes 2, ce système est abandonné au profit d’une jauge de PM classique, rendant les magiciens utiles d’entrée de jeu sans les frustrer d’emblée par un pool de sorts famélique. Les développeurs ont ainsi cherché à fluidifier l’expérience d’un épisode à l’autre. Class of Heroes 2G (version enrichie du 2) introduit également de nouvelles classes, portant leur total à 18, et revoit l’équilibrage des classes existantes. Chaque épisode affine donc un peu plus la formule, cherchant le bon dosage entre accessibilité et complexité tactique. La difficulté reste néanmoins au rendez-vous et constitue même un élément d’identité de la licence. Les donjons regorgent de combats aléatoires, et le jeu n’offre aucune concession lorsque votre équipe s’aventure trop loin sans préparation. Class of Heroes assume pleinement le côté exigeant des RPG de donjon, mais souvent en laissant le joueur maître de créer ses propres facilités ou handicaps.

Class of heroes
Class of heroes 2G

La disposition de certaines cartes peut changer d’une expédition à l’autre, les labyrinthes comportant des agencements alternatifs préconstruits qui se substituent aléatoirement aux plans d’origine pour introduire de l’imprévu. Ainsi, dans Class of Heroes: Anniversary Edition (le remaster du 1), les étages de donjon sont générés aléatoirement d’après un pool de configurations possibles, ce qui renouvelle l’exploration mais peut aussi la rendre moins cohérente que les niveaux fixes de Class of Heroes 2.

De même, le butin récupéré obéit au culte de la RNG : quasiment tous les objets trouvés sont identifiés comme de vagues « trésors inconnus » jusqu’à ce que vous rentriez à l’école pour les faire identifier. Et cette petite particularité recèle un piège qu’un joueur mal informé découvrira à ses dépens : l’identification en ville coûte cher, très cher, et engloutira votre budget si vous n’y prenez garde. Or, parmi les nombreuses classes de personnages, une seule possède la compétence d’identification gratuite ; trouver laquelle est un défi en soi, car le jeu ne vous le dit pas explicitement. Un aventurier ignorant pourra se retrouver ruiné et à la peine, là où celui qui aura découvert cette astuce jouira au contraire d’une fortune confortable en économisant sur les frais d’expertise. Ce genre de détail illustre bien la philosophie Class of Heroes : explorer les donjons, mais aussi les systèmes du jeu lui-même, en expérimentant, en tâtonnant, au risque de subir quelques déconvenues. La marge entre un début d’aventure ardu ou au contraire assez aisé dépend souvent de la capacité du joueur à déjouer les inconnues du gameplay. C’est une approche vieillotte, certes parfois frustrante, mais ô combien gratifiante pour qui aime fouiller chaque recoin d’un jeu.

Class of Heroes (Anniversary Edition) — Les fondations d’une école du dungeon-RPG

Sorti initialement en 2008 (JP) sur PSP, Class of Heroes pose les bases de l’univers et des mécaniques de la série. Au Japon, le jeu connaît un succès modeste mais correct pour un titre de niche. En Occident, c’est Atlus USA qui croit en ce projet et publie le jeu en Amérique du Nord en juin 2009. La réception critique anglophone est mitigée : si certains saluent l’originalité du concept et la profondeur du gameplay, d’autres pointent des graphismes datés et surtout une progression très « grindy ». En effet, Class of Heroes ne fait pas beaucoup de concessions aux joueurs impatients : la survie dans les labyrinthes demande du temps et de l’acharnement, ce qui lui vaudra quelques critiques acerbes de la part de la presse généraliste peu habituée à ce degré de rudesse. Malgré tout, le jeu se forge une petite communauté de fans.

Class of heroes: Anniversary Edition
Class of heroes: Anniversary Edition

Au fil des années, Acquire n’abandonnera pas ce premier épisode. Une version augmentée sur Nintendo Switch a même vu le jour au Japon en 2018 à l’occasion des 10 ans de la série. C’est précisément cette version, améliorée en HD, qui est incluse dans la nouvelle compilation sous le nom Class of Heroes: Anniversary Edition. Ce remaster apporte des nouveautés bienvenues : des graphismes 2D (portraits de personnages, décors, illustrations de monstres) entièrement re-dessinés ou upscalés en haute résolution, là où la version PSP était limitée par son petit écran. Les donjons en 3D conservent leur apparence très sobre — voire un peu austère — d’origine, mais gagnent en netteté et en confort visuel sur grand écran. Surtout, l'Anniversary Edition introduit le mode Arène, une nouvelle zone où l’on peut affronter à volonté d’anciens boss pour récupérer des matériaux et faire progresser plus rapidement ses personnages. Cette fonctionnalité vient intelligemment atténuer l’un des défauts majeurs du jeu original : la lenteur de la montée en niveau. Désormais, si vous recrutez un nouvel élève niveau 1 en milieu de partie, vous pourrez l’entraîner via l’Arène. Cette addition montre la volonté des développeurs de rendre le premier Class of Heroes plus agréable et moderne, sans toutefois trahir son esprit d’origine. Le jeu reste un défi substantiel, mais un défi un peu mieux balisé et moins fastidieux, ce qui devrait permettre aux curieux de (re)découvrir cet épisode fondateur dans les meilleures conditions.

Class of Heroes 2 / 2G — L’élève dépasse le maître

À peine un an après le premier volet, Class of Heroes 2 sort au Japon en juin 2009 sur PSP. Acquire et Zerodiv ont écouté les retours des joueurs : cette suite apporte son lot d’améliorations et de contenu supplémentaire. Davantage de classes et de spécialisations sont disponibles (le nombre de « majors » augmente, élargissant les possibilités de build). Le système de jeu gagne en ergonomie, avec par exemple une interface peaufinée et des contrôles affinés, de l’aveu même des localisateurs occidentaux. Sur le plan scénaristique, l’action se déroule dans une nouvelle académie — Crostini Academy — indiquant que la saga n’hésite pas à changer de décor scolaire d’un épisode à l’autre. Crostini n’est d’ailleurs pas seule : l’univers de Class of Heroes 2 s’étend à un réseau de plusieurs académies concurrentes ou partenaires (aux noms délicieusement culinaires et italiens, tels Bruschetta ou Panini Academy), que le joueur sera amené à visiter lors de quêtes inter-écoles. Ce faisant, le monde du jeu gagne en ampleur et en diversité d’environnements.

Class of Heroes 2 est un bon jeu, mais ce projet porte autant sur le jeu que sur le modèle économique. Il faut montrer que ce modèle fonctionne pour débloquer d’autres RPG restés bloqués au Japon — Victor Ireland, Gaijinworks.

Critiqué pour son côté aride, Class of Heroes 1 est considéré au Japon comme un galop d’essai perfectible. Class of Heroes 2 parvient quant à lui à convaincre une audience plus large de fans de dungeon-RPG. Sans rencontrer un succès commercial retentissant, il bénéficie d’un accueil nettement meilleur que son prédécesseur, et acquiert une réputation honorable au sein du public japonais. Les joueurs saluent notamment le level design mieux maîtrisé des donjons (fini la génération aléatoire chaotique : ici les labyrinthes retrouvent des plans fixes et ingénieux), ainsi que des pistes musicales plus mémorables et variées dans les combats et explorations. Class of Heroes 2 a su garder la profondeur et la difficulté du 1, tout en l’associant à une courbe d’apprentissage plus douce et à un game design plus malin.

Fait intéressant, une version enrichie sur PS3 intitulée Class of Heroes 2G est sortie en 2010, soit un an après la version PSP. Cette édition « 2G » (pour Graduation ou simplement pour signifier sa sortie sur une console de salon) inclut son lot de contenus inédits : donjons additionnels, compétences supplémentaires, possibilité d’accueillir plus de membres dans son roster total, et surtout des voix pour les personnages (absentes sur PSP). Le tout avec la haute résolution graphique offerte par la PS3. Cette version 2G est longtemps restée exclusive au Japon, mais elle constitue aujourd’hui la mouture définitive de Class of Heroes 2, et c’est donc elle qui a été retenue pour le titre Class of Heroes 2G: Remaster Edition. Autrement dit, les joueurs occidentaux ont découvert Class of Heroes 2 dans sa forme la plus aboutie, bénéficiant des améliorations apportées par la version PS3.

Le parcours occidental de Class of Heroes 2 mérite qu’on s’y attarde, car il s’agit d’un petit feuilleton en soi. Après l’expérience mitigée d’Atlus USA avec le premier épisode, aucun éditeur majeur ne se bouscule pour localiser le deuxième. C’est finalement un duo de passionnés, MonkeyPaw Games et Gaijinworks (Summon Night), qui s’attelle à la tâche quelques années plus tard. En 2012, ils lancent un projet Kickstarter visant à financer non seulement la traduction du jeu, mais aussi la production d’une version physique collector riche en bonus (doublage anglais, chanson d’ouverture traduite, artbook, etc.). Victor Ireland voit en Class of Heroes 2 le cobaye idéal pour prouver qu’il existe un public prêt à soutenir des JRPG inédits via le financement participatif : « Class of Heroes 2 est un bon jeu, mais ce projet porte autant sur le jeu que sur le modèle économique. Il faut montrer que ce modèle fonctionne pour débloquer d’autres RPG restés bloqués au Japon » déclare-t-il. Hélas, la campagne Kickstarter n’atteint pas son objectif.

Loin de se décourager, Gaijinworks décide de poursuivre la localisation sur fonds propres et via une précommande en ligne : ils invitent les fans intéressés à s’inscrire pour réserver une éventuelle édition UMD du jeu, promettant d’en fabriquer une si au moins 2500 personnes répondent présentes. L’enthousiasme est au rendez-vous : environ 2700 fans s’inscrivent.

En juin 2013, Class of Heroes 2 sort ainsi en anglais sur le PlayStation Network nord-américain, téléchargeable pour PSP (et compatible PS Vita). Parallèlement, Gaijinworks lance la production d’un tirage ultra limité sur UMD pour les préacheteurs dévoués. L’édition physique est un véritable objet de collection : seul un petit millier d’exemplaires sont produits, numérotés, dont 200 vendus via une boutique canadienne pour satisfaire quelques retardataires. Petite anecdote : les contributeurs du Kickstarter avorté reçoivent un boîtier au design alternatif en remerciement, différent de la jaquette finale choisie par vote par la communauté — une manière de valoriser leur soutien initial malgré l’échec de la campagne. Ce feuilleton se conclut en octobre 2013, après quelques contretemps dus à des bugs dans la version numérique (vite corrigés par patch) qui retardent l’envoi des UMD. Class of Heroes 2 devient ainsi l’un des tout derniers jeux PSP sortis en physique en Occident, témoignage d’une époque charnière où les fans ont montré qu’ils pouvaient déplacer des montagnes — ou du moins convaincre des éditeurs tenaces — pour obtenir la localisation de leurs RPG favoris.

Class of Heroes 3 — L’apogée d’une trilogie et un trésor longtemps caché

Troisième volet principal de la saga, Class of Heroes 3 voit le jour au Japon en octobre 2010, à la fois sur PSP et sur PS3. Cet épisode, très attendu des fans japonais, représente en quelque sorte l’aboutissement de la formule initiale. Plus riche, plus ambitieux et plus difficile que ses prédécesseurs, il pousse le concept d’académie d’aventuriers encore plus loin. Dès le début, le joueur doit faire un choix : il peut intégrer l’une des trois écoles différentes qui coexistent dans le monde du jeu. Chacune de ces académies propose une expérience différente, avec son propre scénario, ses donjons et même un niveau de difficulté variable : l’une est réputée plus accessible, tandis qu’une autre mettra les nerfs des étudiants les plus aguerris à rude épreuve dès les premières heures. Ce choix initial confère à Class of Heroes 3 une excellente rejouabilité et une certaine souplesse : en fonction de l’école choisie, l’aventure prendra une tournure plus tranquille ou au contraire franchement retorse, laissant le joueur calibrer son défi.

Sur le plan narratif, Class of Heroes 3 tisse le fil rouge le plus abouti de la trilogie. Bien que la série ait toujours privilégié le gameplay sur le récit, ce troisième opus parvient à donner plus de consistance à son univers grâce à un système de « relations » entre les personnages. Concrètement, vos étudiants peuvent développer des liens d’amitié (ou de rivalité) au fil des combats et des quêtes, ce qui se traduit par des dialogues supplémentaires et parfois des avantages en combat lorsque des compagnons liés combattent côte à côte. Sans atteindre la complexité d’un Persona, cette touche de life sim renforce l’attachement du joueur à son équipe. Le ton demeure léger, avec des saynètes pleines d’humour, mais certains arcs narratifs n’hésitent pas à aborder des enjeux plus sérieux.

En termes de contenu et de gameplay, Class of Heroes 3 est souvent considéré par les aficionados comme le meilleur opus de la série, voire l’un des meilleurs RPG de donjon japonais tout court. Le jeu propose un nombre impressionnant de classes (plus d’une vingtaine, dont quelques-unes de plus que 2G), dont certaines assez déséquilibrées ou extravagantes avoueront les joueurs — c’est le lot des jeux à large roster, où certaines combinaisons peuvent s’avérer « pétées » tandis que d’autres classes feront figure de curiosités anecdotiques. Qu’à cela ne tienne, la communauté s’accorde pour dire que CoH3 représente le summum du savoir-faire de Zerodiv sur PSP : level design retors mais maîtrisé, gestion de groupe enrichie, équilibrage satisfaisant (par exemple, les attaques physiques dominent en milieu de jeu avant que la magie ne reprenne l’avantage en fin de partie grâce à des sorts surpuissants façon Tiltowait de Wizardry). Le tout servi par la direction artistique mignonne propre à la série, et des musiques entraînantes qui accompagnent aussi bien les victoires que les cuisantes défaites dans les tréfonds des donjons.

Malheureusement pour les fans occidentaux, cet opus d’excellence est longtemps resté un trésor caché du Japon. Après la sortie réussie de CoH2 en anglais, Gaijinworks annonce en 2015 son intention de localiser Class of Heroes 3 sur PSP — en faisant au passage la promesse d’une sortie également en Europe. Le projet avance tant bien que mal : en 2016, Vic Ireland affirme que la traduction est en phase finale de test. Mais entre-temps, Sony décide l’arrêt de production des UMD pour PSP en 2016, ce qui coupe l’herbe sous le pied à Gaijinworks pour toute sortie physique et porte un coup dur au projet. Plutôt que d’abandonner, l’équipe tente une pirouette : adapter la localisation sur la version PS3 du jeu, pour une distribution sur le PlayStation Store. En décembre 2017, Gaijinworks communique sur un nouveau plan : Class of Heroes 3 sortira en printemps 2018 sur PS3 en Amérique du Nord, en numérique, utilisant le portage HD comme base. Hélas, cette fois c’est l’entreprise elle-même qui flanche : après avoir publié d’autres RPG de niche (les Summon Night 5 et 6 notamment), Gaijinworks cesse ses activités vers 2017-2018, vraisemblablement faute de rentabilité suffisante. Class of Heroes 3 version anglaise tombe alors dans l’oubli, officiellement annulé sans jamais avoir vu le jour.

Il aura donc fallu patienter 15 ans pour que cet épisode parvienne enfin jusqu’à nous. La bonne nouvelle, c’est que l’attente en valait la peine : la compilation remaster propose Class of Heroes 3 dans sa version PS3 remaniée (graphismes HD, voix, etc.), et cette fois-ci avec une traduction flambant neuve en anglais. L’éditeur PQube, qui s’est chargé de la localisation occidentale des remasters, a en effet préféré repartir de zéro plutôt que d’essayer de repêcher la traduction inachevée de Gaijinworks. Le script anglais de CoH3 Remaster est donc cohérent avec ceux des remasters de CoH1 et 2, offrant une continuité de ton et de terminologie à la trilogie. La sortie occidentale de Class of Heroes 3 Remaster est prévue en 2025 simultanément sur PC (Steam), PS5 et Switch , marquant la première parution officielle de ce jeu chez nous.

Un héritage pour les amateurs de JRPG

D’un point de vue patrimonial, Class of Heroes s’inscrit dans la lignée des successeurs japonais de Wizardry. Au même titre que Etrian Odyssey (Atlus) ou les jeux de Experience Inc. (tels que Demon Gaze ou Stranger of Sword City), la série d’Acquire a contribué à maintenir vivante la flamme du dungeon-RPG à l’ancienne durant les années 2000-2010, à une époque où le genre était devenu très confidentiel en Occident. Elle a su le faire en y injectant sa propre touche : un ton léger et coloré, des trouvailles de gameplay osées, et un cadre original mêlant tranche-de-vie estudiantine et exploration de donjons. Pour un historien du JRPG, Class of Heroes représente un exemple fascinant de cette créativité des studios japonais de milieu de gamme, capables de réinventer un gameplay rétro pour un public de niche. Chaque opus de la trilogie refine cette formule et témoigne des évolutions du genre sur PSP/PS3. Le fait que ces jeux aient failli ne jamais parvenir chez nous (le 1 n’avait pas de sortie européenne, les 2 et 3 ont connu de multiples péripéties) rend leur présence en 2025 d’autant plus précieuse. C’est une part de l’histoire des JRPG qui est ainsi préservée et accessible sur les supports modernes grâce aux efforts d’Acquire et de partenaires comme PQube.

D’un point de vue ludique, qu’est-ce qui peut attirer un amateur de JRPG d’aujourd’hui vers Class of Heroes ? D’abord, la promesse d’une expérience authentique de dungeon-crawler, avec ce que cela implique de défi, de liberté et de satisfaction du dépassement de soi. Les mécaniques ont certes un goût vintage, austère, mais elles offrent une profondeur de personnalisation et un sentiment d’accomplissement rares dans les productions actuelles. Construire de A à Z sa petite troupe d’étudiants héros, optimiser leurs races et classes, triompher d’un labyrinthe retors à force de stratégie et de persévérance… tout cela procure une gratification que les joueurs « de la vieille école » connaissent bien. Selon les affinités de chacun, on pourra préférer la foisonnance un peu brouillonne du premier opus, avec ses donjons générés aléatoirement et ses débuts difficiles bourrés de tension, ou la maîtrise plus lissée du second, aux cartes plus intelligemment conçues et à la progression plus équilibrée, ou encore l’ampleur épique du troisième volet et ses multiples chemins scénaristiques.

En outre, Class of Heroes se démarque par son univers chaleureux et sans prétention, qui apporte une certaine fraîcheur dans un genre souvent porté sur le sérieux. La vie à l’académie, les références culinaires dans les noms de lieux, les petites touches d’humour disséminées dans les descriptions et les dialogues contribuent à rendre l’aventure attachante. Ne vous y trompez pas : sous ses airs « kawaii », la série est durement exigeante. Mais cette dualité fait aussi son charme : c’est un RPG cruel dans un écrin tout mignon. Pour quiconque aime les contrastes insolites et les challenges relevés, Class of Heroes a de sérieux atouts — surtout pour ceux qui ont poncé la franchise Etrian Odyssey et qui veulent se mettre un truc similaire sous la dent.

Voir Class of Heroes ressortir aux côtés d’initiatives comme la compilation Etrian Odyssey Origins montre que le genre a toute sa place dans le patrimoine vidéoludique et qu’il sait trouver un nouveau souffle. Le producteur d’Acquire l’avait d’ailleurs formulé en 2011 lors de la sortie de Class of Heroes Final : pour lui, CoH devait s’arrêter au bon moment, « tel un étudiant qui sort diplômé après quatre ans », afin de terminer la série en beauté plutôt que de l’épuiser. Pour nous, la franchise reste un pan de notre culture, une branche qui nous relie encore aux origines du JRPG.

Sources : Gematsu, RPGFan, Shacknews, RPGamer, Siliconera, Wikipedia, interviews Acquire/Gaijinworks.

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Kuro
Kuro

✅ Créateur du média

✅ Amateur de culture pop, JRPG et retrogaming

✅ À l'âge de 38 ans, mon JRPG préféré demeure Chrono Trigger !

💔 RIP Akira Toriyama, tu resteras à jamais dans nos coeurs...

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