Trails in the Sky — Le socle de la Zemurian Saga

Trails in the Sky 1st Chapter arrive à grands pas. Pour célébrer dignement le retour de la trilogie Sky, nous vous proposons un article découverte. Lors de son annonce, ce remake a particulièrement touché la rédaction — à la fois pour sa qualité visuelle et pour la confirmation d’une localisation française officielle. Dans cet article, nous reviendrons sur l’histoire des trois jeux, leur gameplay, leurs personnages principaux, ainsi que sur les paroles de l’équipe de développement et l’accueil critique réservé à la série. Bonne lecture.

La trilogie Trails in the Sky (Sora no Kiseki) est née de la volonté de Nihon Falcom de créer un nouvel âge pour sa série The Legend of Heroes. À l’origine, le studio envisageait un titre ambitieux : « créer un jeu qui relierait l’ensemble de la série jusque-là[...] », confie Hideyoshi Takeiri, scénariste principal de Trails in the Sky. Ce projet titanesque visait à dépasser les formats classiques des jeux précédents, tout en reprenant les éléments chers à la saga — un monde riche et cohérent, des épisodes thématiques comme dans les précédents opus, et l’ouverture des quêtes annexes. Pour y parvenir, Falcom a fait évoluer sa technologie : c’est le premier Legend of Heroes en 3D, afin de permettre un travail de caméra libre et des animations de personnages mieux travaillées, comme l’explique également l’équipe.

La trilogie a été développée d’abord sur PC au début des années 2000, puis adaptée sur PSP en milieu de décennie, chaque version présentant ses propres limitations — la résolution réduite de la PSP et ses chargements fréquents furent notamment un défi, et même le portage PC ultérieur nécessita de réécrire de larges pans du code pour corriger des bugs (l’éditeur XSEED en a fait état lors de la localisation). Au final, le parcours éditorial fut chaotique : localisé en Occident par XSEED après un accord signé en 2010, Sky FC — le premier jeu — ne sort qu’en 2011 en Amérique du Nord et en 2014 sur PC, puis Sky SC en 2015, en raison de l’énorme volume de texte à traduire (environ 1,5 million de caractères japonais) et de difficultés de publication. Comme le résume Jessica Chavez, l’une des responsables de la traduction de XSEED : « J’ai travaillé de 11 à 14 heures par jour, six jours par semaine pour boucler ce script titanesque, au prix de nuits blanches et de sacrifices personnels. »

Dès le premier opus, Trails in the Sky est fort de sa narration et personnages. Falcom a délibérément choisi de s’éloigner des traditionnels héros masculins de la série précédente pour proposer « un protagoniste inédit ». Sur ce point, le studio n’hésita pas à inverser ses plans initiaux : selon Toshihiro Kondo, président de Falcom, « Joshua était à l’origine supposé être le personnage principal et Estelle son pendant féminin », mais l’équipe a finalement placé Estelle en avant car très peu de RPG à l’époque racontaient l’histoire d’une jeune femme qui mûrit au cours de l’aventure. Les développeurs voyaient là un défi narratif : mettre en scène l’évolution d’une héroïne lumineuse aux côtés de son « contrepoint ombragé », un jeune homme que le secret habille.

L’intrigue du premier jeu démarre ainsi de manière idyllique : on suit Estelle Bright et son frère adoptif Joshua, deux adolescents qui s’entraînent pour devenir bracers (des chevaliers protecteurs civils) dans le royaume de Liberl. Leur père, Cassius, bracer réputé, reçoit une lettre mystérieuse et part subitement en mission urgente, laissant Estelle et Joshua prendre sa place en tant que bracers débutants. Toutefois, la disparition mystérieuse de l'avion dans lequel Cassius devait embarquer force nos deux héros à prendre la route pour enquêter.

Rapidement, la mission censée être une simple formalité se transforme en une immense conspiration. Du belliqueux Empire érébonien à de mystérieux agents infiltrés, la menace d'une guerre se fait de plus en plus insistante... Estelle et Joshua vont donc devoir démêler un sac de noeuds, tout en poursuivant leur apprentissage. Dans cette quête, ils seront épaulés par une multitude de personnages : Scherazard Harvey, une bracer expérimentée au tempérament espiègle, et grande soeur à temps partiel ; Olivier Lenheim, un troubadour facétieux et séducteur ; Tita Russell, jeune prodige de la technologie orbale.

Trails in the Sky SC, le second opus, reprend alors qu’Estelle se lance à la recherche de Joshua, mystérieusement disparu, tout en se voyant confier de nouvelles missions par la Guilde des Bracers. La nature du complot se révèle plus vaste : Ouroboros entretient l’illusion d’une trêve, tout en dressant secrètement le royaume de Liberl contre l’empire voisin d’Erebonia afin de provoquer une guerre. De nouveaux visages rejoignent le groupe : Tita Russell, une fillette brillante passionnée de technologie, cherche un héros pour inspirer ses inventions et apporte au groupe sa curiosité scientifique ainsi que son caractère franc ; tandis que Kevin Graham, un prêtre énigmatique de l’Église septienne, joue un rôle décisif en aidant Estelle et Joshua.

Le dernier volet, The 3rd, joue le rôle d’épilogue et d’épisode intermédiaire entre l’arc Liberl et les futurs volets de Crossbell/Erebonia. L’histoire suit principalement Kevin et Ries Argent, deux membres importants de l’équipe qui se retrouvent projetés dans une dimension parallèle appelée Phantasma. Cette réalité cache des enjeux plus sombres : un mystérieux système d’orbments noirs — une technologie propre aux jeux que nous verront plus tard — a fait déraper les nouvelles technologies, tandis que de vieilles rancœurs refont surface. L’équipe doit faire face aux conséquences des agissements d’Ouroboros à travers le monde et affronter un ennemi aux pouvoirs occultes, symbolisant le « côté noir » de la série.

À chaque épisode, l’épopée est portée par la profondeur de ses personnages. Estelle Bright débute comme une jeune fille volontaire et optimiste, avide d’aventure mais encore naïve face aux enjeux du monde. À travers les épreuves — trahisons, conflits, découvertes douloureuses — elle gagne en maturité et en assurance, assumant peu à peu son rôle de Bracer. Joshua, quant à lui, est un adolescent taciturne, marqué par un passé sombre qu’il dissimule. Son conflit intérieur — partagé entre son amour pour Estelle et le poids de ses anciens actes en tant qu’agent d’Ouroboros — le pousse à évoluer, de figure mélancolique à allié déterminé prêt à tout pour la protéger. Leur relation, oscillant entre confiance et distance, forme le cœur émotionnel de l’histoire.

Scherazard Harvey, leur mentor au tempérament enjoué et protecteur, incarne un soutien constant, formée par Cassius lui-même. Olivier Lenheim, barde excentrique amateur de vin et de poésie, cache en réalité son identité de prince d’Erebonia, œuvrant secrètement pour la paix. Agate Crosner, vétéran aux manières brutes mais au cœur sincère, se révèle être un protecteur quasi paternel pour la jeune prodige Tita Russell. Enfin, Cassius Bright incarne la sagesse tranquille et le leadership éclairé, véritable pilier moral pour tous ceux qui le croisent.

L’univers de Trails in the Sky est dépeint avec une minutie rare. Le royaume de Liberl lui-même, petit pays évoquant l’Europe de l’entre-deux-guerres, est riche en lieux emblématiques : les forêts de Rolent, la ville portuaire de Grancel, le désert de Calvard, les montagnes du Nord… Chaque région a son identité visuelle et sonore. Les développeurs ont insisté pour que les environnements vivent : dans les cartes extérieures les monstres patrouillent et enclenchent des combats s’ils touchent le joueur, tandis que dans les villes la population vaque à ses occupations et on peut interagir avec elle. Un aspect original de la série est la réactivité des dialogues : à mesure que l’histoire progresse, leurs répliques changent, dévoilant de nouveaux fragments de leurs parcours personnels.

Le gameplay de Trails in the Sky repose sur une alternance entre exploration et combats tactiques au tour par tour. Lors des affrontements, le joueur évolue sur une grille où chaque personnage agit en fonction d’une jauge d’ordre d’action (AT Bar), qui détermine le déroulement des tours et les éventuels bonus temporaires associés. Trois types d’actions principales sont à la disposition du joueur : les Arts, qui sont des sorts magiques nécessitant un temps de chargement et qui utilisent des points d’énergie (EP) ; les Crafts, techniques spécifiques à chaque personnage activables instantanément en dépensant des points de craft (CP) ; et les S-Crafts, versions ultimes des Crafts, déclenchables à tout moment grâce à la fonction S-Break une fois la barre de CP suffisamment remplie. Ces dernières ignorent l’ordre d’action mais consomment tout le CP accumulé.

Le système de combat met également en avant une mécanique de manipulation du tempo : certains tours de la barre AT sont accompagnés de bonus aléatoires (coup critique, soin, accélération…), que le joueur peut s’efforcer d’arracher à l’adversaire en modifiant l’ordre d’action par des retards ou des S-Breaks. Dans SC, des éléments supplémentaires viennent enrichir l’ensemble, comme les Chain Crafts, des attaques coordonnées entre plusieurs membres de l’équipe.

La progression des personnages repose non seulement sur l’expérience classique obtenue en combat, mais aussi sur un système de personnalisation complexe via les Orbments. Ces dispositifs, propres à l’univers de Zemuria, sont des circuits où l’on insère des Quartz — cristaux conférant des Arts ou des bonus de statistiques. Chaque personnage dispose d’un schéma d’orbment unique, obligeant le joueur à réfléchir au positionnement des Quartz pour débloquer certaines magies ou améliorer les capacités.

À cela s’ajoutent de nombreuses quêtes secondaires proposées par la Guilde des Bracers, qui permettent non seulement d'ajouter à l’univers narratif en découvrant le quotidien des habitants de Liberl, mais aussi de gagner des récompenses et de faire progresser son rang de Bracer. Les donjons, conçus comme des zones ouvertes et souvent labyrinthiques, sont ponctués d’énigmes, de pièges et de puzzles.

Avec le remake prévu pour 2025, le système de combat connaît une modernisation des plus engageantes : en plus du mode stratégique classique au tour par tour, un mode d’action en temps réel sera proposé, permettant d’aborder les affrontements de manière plus dynamique. Les développeurs promettent des transitions sans interruption entre les zones d’exploration et les combats, une interface repensée, et un confort de jeu modernisé, tout en conservant la richesse tactique qui fait la réputation de la série.

Artistiquement, Trails in the Sky dégage un charme à la fois rétro et inventif. Les personnages dessinés en 2D par Haccan côtoient des décors 3D à l’esthétique légèrement steampunk — éoliennes, aéronefs, machines à quartz — dans une palette de couleurs chaleureuse. Même si les graphismes peuvent sembler datés aujourd’hui, leur style visuel reste unique : les tenues flamboyantes d’Estelle, la prestance colorée d’Olivier, ou le mélange de médiéval et de mécanique, confèrent au monde un aspect rafraîchissant. L’animation, parfois 2D durant les combats ou les cinématiques, conserve une belle expressivité. Sur PSP, la finesse graphique était limitée et les chargements fréquents, mais cela permettait de faire tourner un univers vaste sur un support portable. Les versions remastérisées ont corrigé ces contraintes : FC Kai (PS3) intègre des modèles 3D pour les personnages dans les cinématiques, et Evolution (Vita) ajoute du doublage et des séquences animées.

Côté bande-son, la trilogie bénéficie du talent du Falcom Sound Team JDK : des orchestrations et des chœurs, toujours adaptées à l’atmosphère du jeu. Les thèmes comme The Whereabouts of Light (FC) ou I Swear… (SC) et l’ending chanté Cry for Me, Cry for You (the 3rd) sont devenus les morceaux les plus écoutés par les fans. Hideyoshi Takeiri note que l’idée d’un thème vocal en fin de chapitre est née en écrivant le scénario, et que Yukihiro Jindo a insisté pour qu'un climax porté par la musique soit présent. Dans l’ensemble, la réalisation sonore, malgré la compression sur PSP, contribue fortement à la magie des titres, et les remasters en HD ont rendu le panel de morceaux plus vivant. Il suffit de tendre l'oreille sur la chaîne officielle de Falcom pour s'en faire une idée précise.

Aujourd’hui, la sortie du remake Trails in the Sky FC 1st Chapter en 2025 a fait l'effet d'une bombe pour les fans. Annoncé lors du Nintendo Direct août 2024, ce remake intégral a été dévoilé avec un trailer introduisant ses graphismes entièrement retravaillés en 3D. Selon Falcom, la date de sortie mondiale est fixée au 19 septembre 2025 sur PS5, Switch et PC, avec tous les sous-titres occidentaux — dont le français — entièrement neufs et un doublage intégral en anglais ainsi qu’en japonais. Le gameplay promet lui aussi des nouveautés : les trailers présentent la possibilité de combattre en mode action temps réel ou en mode tactique classique, rendant hommage au système hybride mentionné plus haut. Les nouveaux visuels donnent une bouffée de modernité — les cartes de Liberl sont désormais ouvertes de façon transparente, les transitions vers les villes sont fluides, et chaque personnage bénéficie d’expressions faciales plus fines. Falcom a confirmé que l’accent est mis sur la fidélité du scénario original, mais que des ajustements seront apportés pour améliorer l’ergonomie du jeu.

Au bout du compte, l’héritage de la trilogie Trails in the Sky dans la franchise The Legend of Heroes est immense. Si, lors de sa première sortie en Europe, son succès commercial est resté modeste, la critique spécialisée et les joueurs lui ont rapidement rendu hommage. Des sites comme RPGFan et Hardcore Gamer ont salué la qualité de sa narration et la richesse de son univers ; Hardcore Gamer souligne même que Sky FC possède « l’un des mondes les plus aboutis jamais modélisés dans un RPG », avec « une écriture de personnages irréprochable » et des quêtes secondaires d’une incroyable profondeur, le qualifiant d’« un des meilleurs JRPG de l’histoire ». RPGamer note de son côté que « les scénaristes de Falcom ont doté chaque protagoniste d’une personnalité distincte » et salue « l’ampleur d’une série qui prend le temps de développer chaque fragment de son monde ». Ce consensus critique a forgé la réputation de Trails comme un parangon du RPG old-school moderne, où l’intrigue géopolitique — entre révolutions, manipulations et menaces de guerre — se marie à des thèmes universels tels que l’amitié, la loyauté et la maturité.

Aujourd’hui, au sein de l’univers partagé de The Legend of Heroes, Trails in the Sky constitue le point de départ du vaste « Zemurian Chronicle » : Liberl, Crossbell, Erebonia, Calvard et au-delà. Dans chaque nouvel arc, les événements et personnages de Sky sont cités comme des références historiques, depuis une simple allusion à Estelle jusqu’au retour remarqué de Kevin. Considérée comme l’un des piliers narratifs de Falcom, la trilogie a montré qu’un JRPG pouvait offrir un monde cohérent et durablement interconnecté. Le remake prévu pour 2025 constitue l’occasion idéale de remettre cette saga à l’honneur et d’ouvrir la porte à une nouvelle génération de joueurs vers la légendaire Guilde des Bracers. Trails in the Sky demeure ainsi une série culte, un jalon majeur de l’histoire du JRPG : elle a consacré Falcom comme maître du récit connecté tout en livrant une aventure longue, émouvante et héritée dans chaque recoin du continent de Zemuria.

Sources :