Au cœur d’un mélange peu commun entre Touhou et Shin Megami Tensei, un dungeon crawler pointe le bout de son nez. Touhou Artificial Dream in Arcadia se présente comme un RPG qui s’inspire des vieilles productions japonaises et ne cache pas ses références aux premiers projets démoniaques d’Atlus. Dans un Gensokyo rebaptisé Artificial Dream, une lycéenne, smartphone en main, plonge dans cet univers. Sumireko Usami, de son nom, franchit des labyrinthes fractals façonnés par un algorithme facétieux : parviendra-t-elle à gravir tous les étages du dédale qui s’ouvre devant elle ?
Au détour d’un virage, une teinte change, un nouveau monde se déploie… C’est alors que surgissent, sans avertissement, d’étranges entités nommées « Sleepers », fragments altérés des héroïnes de la licence Touhou [1], prêtes à engager le combat. Leur apparition rappelle à la fois les affrontements des premiers SMT et la chorégraphie effrénée du danmaku [2].
À cet instant, le jeu propose un clin d’œil au système de négociation des démons : plutôt que d’user d’un sacrifice de PV ou SP, d’un objet quelconque ou d'un peu d'argent, vous brandissez une carte de persuasion dans l’espoir de rallier le Sleeper à votre cause, à travers une session de bullet hell. Suivre la voie diplomatique vous gratifiera d’un allié supplémentaire, tandis qu’un échec vous fera chuter de plusieurs étages, haletant et contraint de reprendre la route du bas.
Les Sleepers conquis constituent l’âme même de votre escouade. Chacun possède ses affinités élémentaires, ses sorts et ses buffs passifs, et se révèle indispensable pour affronter les défis croissants de l’Arcadia. L’interface de fusion, inspirée des classiques d’Atlus, vous invite à assembler deux, voire trois de ces esprits, donnant naissance à un être inédit, plus robuste et doté d’une palette de compétences élargie. Mais attention : chaque fusion, chaque sort lancé, puise dans la batterie virtuelle de votre smartphone, jauge précieuse qui conditionne votre temps en donjon. Cela rappelle la gestion de la magnétite dans SMT ; lorsque votre batterie atteint un niveau critique, vous n’avez d’autre choix que de regagner la surface pour recharger l’appareil, remettre de l’ordre dans votre équipe et repartir à l’assaut.
Quand une « négociation » débute, l’écran passe en vue rapprochée et Sumireko doit se faufiler entre des dizaines de projectiles. Chaque attaque ennemie suit un pattern précis : vous devez repérer rapidement les zones laissées libres, y lancer un sort de renvoi pour désamorcer certaines bullets, puis enchaîner avec vos propres techniques.
Vous disposez d’overdrives pour augmenter temporairement vos dégâts, de compétences de capture pour affaiblir le Sleeper, et de modificateurs qui altèrent votre schéma de tir.
Le succès repose sur votre capacité à combiner réflexes rapides et choix judicieux de compétences adaptées à l’ennemi.
Au-delà du gameplay, Touhou Artificial Dream in Arcadia s’inscrit dans le lore de Touhou Project. Né de l’imagination de Jun’ya « ZUN » Ōta, cet univers compte plus d’une vingtaine de titres officiels, chacun centré sur l’art du danmaku, et génère une communauté bouillonnante de fangames, d’albums arrangés et de fanarts. Gensokyo, royaume mystique cloîtré derrière une barrière, abrite yōkai, tengu, fantômes et divinités mineures, et voit ses figures légendaires — Reimu, Marisa, Sakuya — se décliner à l’infini sous la plume de la fanbase. Touhou Artificial Dream in Arcadia reprend ce terreau en y insufflant la nostalgie qui touchera les fans hardcores des productions Atlus. Bien sûr, le danmaku est toujours de la partie, mais les mécaniques MegaTen — fusion, stratégie, gestion de démons — sauront aux puristes.
Il vous faudra entre cinquante et soixante-dix heures pour parcourir les vingt-cinq étages principaux, d’après les retours que j'ai pu consulter. Les niveaux de difficulté, calqués sur les modes Easy, Middle et Hard des shoot ’em ups classiques, influent sur la densité des bullets et de leurs patterns : en Hard, la moindre erreur peut vous précipiter plusieurs étages en arrière, tandis que les boss optionnels défient votre capacité à anticiper. Un classement en ligne permet enfin de mesurer vos performances — précision d’esquive, temps d’exploration, nombre de fusions accomplies — face à celles de la communauté. À vous de vous y créer une place de choix.
Au final, Touhou Artificial Dream in Arcadia se révèle être une lettre d’amour adressée à la fois à la frénésie danmaku de ZUN et à l’héritage d’Atlus. Les fans de Shin Megami Tensei y retrouveront le plaisir des combats au tour par tour et des fusions, tandis que les puristes de Touhou savoureront les instants de shoot ’em up. Et pouquoi ne pas se laisser tenter ?
Touhou Artificial Dream in Arcadia est disponible sur Nintendo Switch 1 & 2, PC, PS4 et PS5.
Notes :
[1] Touhou, ou Touhou Project, est une série de jeux vidéo shoot ’em up (danmaku / bullet hell) créée par une seule personne : ZUN, membre du cercle doujin japonais Team Shanghai Alice.
[2] Né au Japon dans les années 1990, le danmaku s’est d’abord imposé dans des titres cultes comme Batsugun (1993) ou DonPachi (1995) avant d’exploser avec Touhou Project. Là où les shmups classiques misent sur des rafales espacées, le danmaku inonde l’écran de milliers de projectiles colorés : spirales, cercles concentriques, vagues sinueuses… Ces figures de tir deviennent des patterns à mémoriser et à déjouer.
Sources :
- Steam
- Nintendo
- Destructoid