Cinq ans après Ghost of Tsushima, le studio Sucker Punch revient avec Ghost of Yotei, une suite spirituelle exclusive à la PlayStation 5. Cette nouvelle aventure nous transporte au nord du Japon, dans la vaste région d’Ezo, et nous met dans la peau d’Atsu, une mercenaire prête à tout pour assouvir sa vengeance. Le titre était très attendu par les joueurs et s’annonce comme l’une des grosses exclus de 2025 sur PS5. Ghost of Yotei reprend la formule qui a fait le succès de son prédécesseur, tout en l’enrichissant de nouveautés notables et en exploitant pleinement la puissance de la PS5. Mais cette suite parvient-elle à surpasser Ghost of Tsushima ? C’est ce que nous allons voir ensemble à travers ce test complet, structuré autour de l’histoire, du gameplay, de la direction artistique et musicale, avant de conclure sur le verdict final.
Kill Saito
Vous incarnez Atsu, une jeune femme au tempérament fougueux, unique survivante du massacre de sa famille par un groupe de criminels tristement célèbres appelés les Six de Yotei. Seize ans après cette tragédie, Atsu revient sur ses terres natales d’Ezo avec un seul objectif : venger les siens en éliminant un par un ces six hors-la-loi, menés d’une main de fer par le sanguinaire Seigneur Saito. Très vite, la légende d’un onryō — un esprit vengeur sous les traits d’une femme — commence à hanter la région. Cette réputation de fantôme impitoyable qu’Atsu se forge reflète bien son état d’esprit du début de l’aventure : consumée par la vengeance, quitte à y laisser sa vie. Le scénario de Ghost of Yotei s’inscrit donc dans la pure tradition des récits de vengeance, un thème classique qui rappelle des œuvres comme Kill Bill ou certains chambara.

Si le postulat de départ semble assez convenu, la mise en scène et la qualité d’écriture parviennent à rendre l'aventure crédible. Dès l’introduction, le jeu nous prend aux tripes. L’histoire d’Atsu se développe progressivement, révélant en filigrane un contexte plus large : les terres d’Ezo aspirent à leur indépendance, et le tyrannique Saito exploite ce désir pour asseoir son pouvoir et mener une guerre brutale contre le clan samouraï local. Sans en dire trop, le récit mélange donc la quête personnelle d’Atsu avec des enjeux politiques plus vastes qui la dépassent.

Au fil de sa quête de vengeance, Atsu va croiser de nombreux personnages — tous travaillés et souvent nuancés. Les rencontres qu’elle fait sur sa route l’amènent peu à peu à évoluer et à remettre en question sa soif de sang. Là où Jin Sakai s’endurcissait et sombrait dans l’ombre, Atsu, elle, va au contraire découvrir qu’il existe d’autres choses que la haine et l’honneur dans la vie. Certaines quêtes annexes illustrent d’ailleurs très bien ce propos, à l’image d’une touchante histoire impliquant Huci : une vieille femme qui montre qu’un crime peut parfois cacher des intentions plus complexes et que la punition n’est pas toujours la solution.

Globalement, l’intrigue principale tient en haleine. On retrouve une inspiration marquée par le cinéma japonais de Kurosawa, mais aussi par le western spaghetti (Les fans de Quentin Tarantino comprendront, ndlr). Les fans apprécieront notamment certains duels mis en scène avec une tension digne des meilleurs westerns ou films de samouraïs. On regrettera seulement que le scénario reste assez sage dans son déroulement : la structure « check-list d'assassinats » est prévisible, et la conclusion, sans être mauvaise, manque un peu d’audace. Toutefois, cela n’empêche pas l’histoire d’être passionnante, probablement plus que celle du premier épisode selon moi. De plus, le jeu d’un doublage en français de grande qualité et d’une bande-son soignée qui transporte. Nous y reviendrons, mais sachez déjà que la narration de Ghost of Yotei est solide et servie par une excellente réalisation.
La parole du katana
Ghost of Yotei propose un gameplay d’action-aventure en monde ouvert, héritant des bases solides de Ghost of Tsushima tout en y apportant ses petites subtilités. Le cœur du jeu reste un savant mélange d’exploration, de combats au katana et de phases d’infiltration, ponctué de nombreuses activités annexes. Sucker Punch n’a pas cherché à révolutionner totalement sa formule, mais plutôt à l’affiner.
Combats au corps à corps et à distance
Le système de combat reprend les sensations viscérales du premier opus, avec des affrontements nerveux et techniques. Cependant, une différence majeure est l’abandon des postures de combat de Jin Sakai au profit de cinq armes qu’Atsu peut manier à tout moment : le katana classique, une paire de lames doubles, l’odachi, la yari et le kusarigama. Chacune de ces armes a ses forces et faiblesses, et il faudra souvent adapter votre équipement en fonction des ennemis en face. Par exemple, dégainer la lance contre un adversaire muni de hallebarde vous donnera l’avantage, tandis que le kusarigama est redoutable pour briser la garde des ennemis à bouclier.

Ce système façon « Shifumi » apporte davantage de variété dans les duels, même s’il peut se révéler difficile à maîtriser au milieu d’une grande mêlée. En effet, lorsqu’une foule d’ennemis vous encercle, changer constamment d’arme pour cibler chacun peut devenir barbant. De plus, le verrouillage de cible n’est pas parfait : il arrive qu’Atsu frappe la mauvaise cible, ce qui peut vous mettre en danger si l’adversaire finalement touché possède justement l’arme qui contre la vôtre. Malgré ces quelques imprécisions, les combats restent intenses ; surtout lorsqu’on réussit une parade parfaite ou une esquive in extremis suivie d’une contre-attaque mortelle.
Les duels face aux membres des Six de Yotei comptent parmi les moments forts du jeu.
Face à un ennemi isolé ou lors des duels scénarisés contre les chefs adverses, le gameplay devient jouissif. Ces combats en un contre un sont véritablement prenants. La caméra se resserre, la mise en scène change, et il faut faire preuve de réflexes pour exploiter la moindre ouverture dans la garde de l’adversaire.
Atsu ne part heureusement pas seule en guerre : au fil de l’aventure, une louve sauvage viendra l’épauler. Présentée dans les bandes-annonces, cette louve mystique n’est d’abord qu’une silhouette furtive qui apparaît sporadiquement. Peu à peu, en gagnant sa confiance à travers certaines missions, vous pourrez l’apprivoiser et en faire un allié précieux. Une fois domptée, la louve peut être appelée avant un combat pour vous assister : elle bondit sur les ennemis, créant la diversion et infligeant des dégâts non négligeables. Elle excelle aussi en infiltration, éliminant discrètement une cible sur votre ordre. La louve possède même son propre arbre de compétences (que vous développerez en libérant d’autres loups retenus captifs dans des tanières disséminées sur la carte).

Outre son arsenal de mêlée, Atsu dispose bien sûr d’armes à distance. On retrouve les arcs, mais la nouveauté du XVIIe siècle oblige : des armes à feu font leur apparition. Vous pourrez mettre la main sur un mousquet et un pistolet. Ces armes sont efficaces, même si leur utilisation reste limitée par la rareté des munitions. En complément, tout l’arsenal de ninja de Ghost of Tsushima répond présent : kunais, bombes fumigènes, pétards, etc. À cela s’ajoute la possibilité de ramasser une arme tombée au sol et de la lancer violemment sur un ennemi.
Infiltration et progression
La furtivité dans Ghost of Yotei reste globalement similaire à celle de Tsushima. Atsu sait se tapir dans les hautes herbes, éliminer silencieusement ses cibles par derrière ou depuis les toits, et utiliser ses gadgets pour semer le chaos sans se faire voir. Sur ce plan, Sucker Punch n’a pas fondamentalement amélioré l’IA des ennemis, encore assez peu vigilants. En revanche, les développeurs ont choisi de rendre les phases d’infiltration plus souples. La plupart des camps ou forteresses à infiltrer offrent un chemin assez clair pour passer discrètement. Certes, cela peut sembler moins ambitieux en termes de challenge, mais on prend malgré tout plaisir à nettoyer un camp sans alerter personne.
Comme je l'ai mentionné plus haut, la louve peut distraire ou neutraliser un garde isolé sur commande. Atsu est aussi équipée d’un kusarigama redoutable qui permet d’étrangler un ennemi à distance ou depuis un perchoir. Tous ces éléments font que l’infiltration, sans être révolutionnaire, devient un peu plus fun.

En accomplissant des missions principales et annexes, ou en trouvant des lieux spéciaux, Atsu peut accroître sa santé maximale et augmenter son nombre de points d’Esprit. Les points d’Esprit fonctionnent comme dans Tsushima : c’est une ressource qui sert à déclencher des techniques spéciales ou à se soigner en plein combat. Ici, vous pourrez même boire une gourde de saké en plein affrontement pour regagner de l’Esprit — pratique. Chaque type d’arme dispose de compétences spéciales à débloquer en progressant, souvent en allant s’entraîner auprès de sensei ou en accomplissant des défis liés à ces armes. Par exemple, des sanctuaires d’entraînement dédiés à l’arc, au katana, etc., vous enseignent de nouvelles techniques quand vous les trouvez.

En termes d’équipements, vous récupérerez de nombreuses armures et tenues, chacune avec ses propres bonus. Il est possible de les améliorer chez des forgerons ou marchands en échange de ressources récoltées dans la nature. La collecte de ressources est toujours présente, mais elle s’insère naturellement dans l’exploration et ne se montre pas trop fastidieuse. Un bon point de ce côté-là : on peut désormais enregistrer jusqu’à cinq sets d’équipement prédéfinis et passer de l’un à l’autre facilement.
Côté charmes et accessoires, Ghost of Yotei est tout aussi généreux que son aîné. Vous découvrirez des dizaines de charmes à effet en explorant des sanctuaires ou en relevant des défis — nous ne sommes pas sur un RPG profond, mais on s'en rapproche doucement.
Quêtes et activités annexes
Le monde de Ghost of Yotei est parsemé d’activités annexes en tout genre, qui vous occuperont de très nombreuses heures. Sucker Punch a réutilisé certaines recettes du premier jeu tout en les améliorant. Ainsi, on retrouve les classiques sources chaudes, les défis de coupe de bambous, ou encore les terriers de renard menant à des sanctuaires cachés. Cependant, ces éléments répétitifs ont souvent été retouchés pour apporter un petit plus pour le scénario. Par exemple, chaque tanière de kitsune dans Ghost of Yotei comporte une petite histoire ou une mise en scène. De même, les camps de bandits à nettoyer, les sanctuaires perchés en haut des montagnes ou les autels offrent fréquemment des mini-histoires.
Les quêtes secondaires bénéficient elles aussi d’un soin particulier, même si elles n'atteignent pas le niveau d’un The Witcher 3 dans l’écriture. Surtout, elles s’imbriquent naturellement dans l’univers d’Ezo et viennent compléter la trame principale avec une bonne cohérence.

Enfin, de courts événements ponctuent vos voyages, un peu à la manière d’un Red Dead Redemption 2 ou d’un Assassin’s Creed : un voyageur attaqué sur la route, un duel improvisé proposé par un rônin errant, un animal en danger, etc. Vous ne savez jamais sur quoi vous allez tomber en partant explorer. Le jeu introduit aussi un excellent système de primes : régulièrement, on vous proposera de traquer un criminel ou un monstre légendaire en échange d’une récompense.
En dehors de la violence omniprésente, Ghost of Yotei pense aussi à vous proposer des moments de calme et de contemplation. Ainsi, Atsu peut s’adonner à des activités paisibles pour souffler entre deux combats. Vous aurez la possibilité de jouer du shamisen (un instrument de musique traditionnel) en complétant un petit mini-jeu musical.
Non seulement jouer du shamisen est relaxant, mais cela peut même vous aider à repérer des secrets cachés aux alentours grâce à la mélodie. De plus, notre héroïne a un côté artiste : elle peut sortir son nécessaire de peinture pour réaliser des peintures ou croquis de paysages lorsqu’un panorama l’inspire, un peu comme Jin composait des haïkus dans le précédent volet. Ces peintures sont souvent liées à des quêtes annexes ou des collectibles à trouver. Enfin, vous pourrez vous divertir avec un mini-jeu de pièces à pousser sur une table : une sorte de puzzle/réflexion où bien placer et pousser des pièces vous permettra de remporter de l’argent ou des charmes.
Bordel, qu'est-ce que c'est beau !
La direction artistique de Ghost of Yotei est tout simplement somptueuse. Si Ghost of Tsushima était déjà un régal visuel, ce nouvel opus place la barre encore plus haut en profitant des capacités accrues de la PS5. La région d’Ezo, représentée en monde ouvert semi-découpé, offre des décors incroyablement variés et dépaysants. Dès les premières minutes où vous arrivez dans les plaines d’Ezo, le jeu vous en met plein la vue : on aperçoit au loin le majestueux Mont Yotei enneigé qui domine l’horizon, tandis qu’au premier plan s’étendent des forêts aux couleurs d’automne. De plus, le jeu fourmille de détails animés qui donnent vie au décor : les feuilles mortes qui tourbillonnent, les herbes hautes qui ploient sous le vent, les pétales de cerisier emportés dans la brise… Le jeu est tellement beau qu’il invite continuellement à la contemplation.

Enfin, impossible de parler de direction artistique sans mentionner une fonctionnalité amusante ajoutée par Sucker Punch : les filtres cinéma. Dans le sillage du mode Kurosawa (noir et blanc granuleux) introduit dans Tsushima, Ghost of Yotei propose d’autres filtres thématiques pour personnaliser l’ambiance visuelle. En activant le filtre Kurosawa, vous obtenez un rendu en noir et blanc avec grésillements de pellicule, comme un vieux film de samouraï. Le filtre Miike (du nom du réalisateur Takashi Miike) accentue la violence : davantage de sang, de boue, et une caméra plus rapprochée dans les combats pour un côté encore plus brut. Enfin, le filtre Watanabe (hommage à Shinichirō Watanabe, créateur de Samurai Champloo) modifie la bande-son pour y intégrer des musiques lo-fi/hip-hop et ajoute quelques touches visuelles évoquant l’animation moderne. Ces filtres sont purement optionnels, mais ils témoignent de l’amour des développeurs pour la culture cinématographique et musicale nipponne.
Direction musicale
L’accompagnement musical et sonore de Ghost of Yotei est à la hauteur de sa réalisation visuelle. La bande-son s’inspire fortement de la culture japonaise, avec de superbes compositions faisant la part belle aux instruments traditionnels (flûte shakuhachi, shamisen, taiko, koto, etc.), ce qui ancre parfaitement l’action dans le Japon féodal. Lors de vos pérégrinations dans la nature, de douces mélodies orientales se font entendre, renforçant l’immersion et invitant parfois à la mélancolie ou à la contemplation. Mais Ghost of Yotei n’hésite pas non plus à surprendre en mélangeant les influences musicales : certaines pistes empruntent des sonorités de western spaghetti, avec des guitares ou des sifflements discrets rappelant feu Ennio Morricone, notamment lors des duels ou des face-à-face tendus. Ce mélange audacieux entre musique nipponne traditionnelle et touches western fonctionne étonnamment bien. Par moments, on se croirait autant dans un film de samouraï que dans un western de Sergio Leone, ce qui colle parfaitement à l’esprit « ronin solitaire en quête de vengeance » d’Atsu. Kill Bill n'est pas non plus très loin à en croire la couleur de la famille d'Atsu qui est le jaune.

Le doublage vocal, comme évoqué plus haut, est de haute qualité sur toutes les langues disponibles. En version française, les comédiens livrent une performance convaincante, avec un soin particulier apporté aux intonations pour coller au contexte historique. La VO japonaise mérite aussi le détour, ne serait-ce que pour l’authenticité qu’elle confère. Chose appréciable, les mouvements des lèvres des personnages ont été ajustés selon la langue choisie, un détail technique qui montre le niveau de finition du titre.
Conclusion
Ghost of Yotei s’impose comme une excellente exclusivité PS5. Certes, Sucker Punch joue ici la carte de la sécurité en ne bouleversant pas sa formule d’origine : le jeu reste un open world d’action classique dans sa structure, avec un scénario de vengeance prévisible et un gameplay qui reprend beaucoup de mécaniques déjà connues. Cependant, il serait injuste de ne voir que cela, car Ghost of Yotei améliore presque tous les aspects de son prédécesseur. Son monde ouvert semi-structuré offre une liberté et une exploration plus organique, soutenues par une direction artistique presque sans défaut. Comptez environ 20 à 25 heures pour boucler l’histoire principale, et facilement 40 à 50 heures pour explorer chaque recoin, accomplir toutes les missions et obtenir les meilleurs équipements. Ghost of Yotei est un voyage envoûtant au cœur du Japon féodal, un jeu d’action-aventure généreux et maîtrisé qui saura vous tenir en haleine de la première à la dernière heure. Si vous avez aimé Ghost of Tsushima, le deuxième volet vous comblera par son évolution intelligente. Et si vous découvrez la licence avec cet épisode, vous aurez entre les mains l’un des meilleurs open worlds de samouraïs jamais créés, n'en déplaise aux fan d'AC Shadows...
Jeux liés à cet article
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Ghost of Yotei
- Date de sortie (Japon) : 02/10/2025
- Date de sortie (Europe) : 02/10/2025
- Développeur : Sucker Punch
- Éditeur : Sony
- Genres : Action
- Consoles : PS5
- Scénario 80%
- Technique 90%
- Gameplay 70%
- Plaisir 80%
- Univers riche et cohérent, sublimé par une direction artistique exceptionnelle
- Combats dynamiques, variés et gratifiants
- Compagnon animal bien intégré, à la fois utile et symbolique
- Narration solide, personnages travaillés et doublage de qualité
- Monde ouvert fluide, organique et agréable à explorer
- Bande-son et sound design de grande qualité
- Excellente optimisation sur PS5, visuellement impressionnant et fluide
- Scénario de vengeance prévisible dans sa structure
- IA des ennemis perfectible, surtout en infiltration
- Quelques activités annexes encore répétitives




