Test de Crymachina - Un Eden artificiel en proie au fruit défendu de la création

Vers la fiche de jeu

Crymachina n'est pas destiné à un large public

AQURIA, en collaboration avec FuRyu pour L'édition, revient cinq ans après Crystar avec un RPG au titre énigmatique, Crymachina, une machine douée de glandes lacrymales, nous plonge dans un univers particulièrement sombre et trouble. Ce jeu d'action et de rôle nous propulse dans un univers dystopique, bien éloigné de ce que notre imaginaire peut envisager. Il s'agit d'une parabole complexe sur la création, l'amour et la famille, dépeinte de manière gore, où les machines tentent de ramener à la vie l'humanité, disparue depuis plus de deux millénaires.

Avant-propos

Pour saisir la profondeur de la narration de ce jeu, ainsi que ses particularités, il sera nécessaire d'utiliser fréquemment des termes qui lui sont propres. J'essaierai autant que possible d'expliquer ces concepts. Cependant, il est important de noter que Crymachina n'est pas destiné à un public généraliste. Les thèmes abordés peuvent être complexes pour ceux qui n'ont pas de connaissances en philosophie ou en religion ou même parfois en astrophysique. De plus, le jeu traite également de problèmes familiaux choquants, tels que la violence conjugale et envers les enfants. Ces aspects ne seront pas discutés dans cet article, mais je fournirai suffisamment d'informations pour que vous puissiez comprendre la situation initiale du narratif de Crymachina.

Rends-moi mon humanité !

L'apocalypse selon Crymachina

Crymachina se déroule 2 000 ans après des événements particulièrement violents pour l'humanité. Une pandémie mondiale, ainsi qu'une guerre pour les ressources vitales, ont morcelé la terre, la rendant quasiment inhabitable. Un groupe d'ingénieurs décida donc de créer une arche, un vaisseau spatial nommé Eden, pour préserver l'humanité. Celui-ci embarqua avec lui huit machines, les Dei ex Machina (les dieux sortis de la machine), capables à elles seules de recréer des êtres humains.

Test de Crymachina - Un Eden virtuel en proie au fruit défendu de la création

Dans l'espoir que cet événement puisse enfin voir le jour, l'humanité s'éteint, laissant aux machines ce qui leur reste de vie. C'est alors que Leben Distel, la protagoniste de l'histoire, ouvre les yeux. Par le passé, elle succomba à l'infection provoquée par le Syndrome Centrifuge, une maladie meurtrière qui fit disparaître plus de 20 % de la population terrestre. En se réveillant, elle aperçoit une jeune femme, toute de blanc vêtue, ornée de lignes dorées, qu'elle prend subitement pour un ange. Ce n'est pas tout à fait cela, cette apparition, c'est Enoa, la 8e Deus ex Machina. Cette machine est en charge de la reconstitution de la psyché humaine. Comme les sept autres Dei ex Machina, dont le rôle est de reconstruire un corps humain parfait ou de gérer et faire évoluer une civilisation, Enoa a donc un rôle qui lui est propre.

Leben apprend alors de la bouche d'Enoa que le premier Deus ex Machina a disparu dans des circonstances étranges. Ce qui compromet l'objectif des Machines de créer à nouveau un être humain parfait. Enoa, pour reconstruire la psyché humaine, décide de créer un monde virtuel dans lequel elle tentera de collecter des Personality Data. Ces données informatiques incluent des personnalités, des mémoires humaines et des Idea Code (algorithmes visant à reproduire une âme). Elle utilisera un dé qu'elle fera tourner un nombre infini de fois. Ainsi, elle tentera de quantifier les valeurs correspondant à la structure psychologique d'une personne.

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Pour retrouver les Idea Code, Enoa utilisera une technologie appelée Data Transport Terminal qui permet de transformer la matière en données informatiques et inversement. Ce qui permettra à Leben et à ses comparses de pénétrer dans le monde virtuel et ainsi récolter ces informations. Leben est une E.V.E., une entité mécanique munie de Personality Data d'une personne humaine ayant existé. Mais c'est aussi la Chosen One, l'entité qui est la plus à même de redevenir une réelle humaine. Son rôle sera de récolter suffisamment d'ExP (des données collectées pour devenir un vrai humain) et enfin voir se réaliser l’œuvre des machines. Pour ce faire, elle devra se battre contre toutes les machines de l'Eden qui s'opposent au projet d'Enoa.

J'ai le cerveau qui fume

C'est ma toute première expérience dans un jeu qui aborde autant de concepts et de théories venant de disciplines totalement différentes. Entendons-nous bien, Crymachina n'est clairement pas destiné aux anglophones débutants. Le nombre de termes techniques, informatiques, voire astrophysiques, abordés dans le titre, associés à la profondeur de l'histoire, peut sérieusement vous donner du fil à retordre. Si le paradoxe de Fermi ou les termes techniques du réseau informatique, voire le mot algorithme, vous sont familiers, vous serez chanceux, car le jeu les exploite abondamment. Mais ce n'est pas tout, car il introduit également de nouveaux éléments propres à l'univers de Crymachina, comme les Dei ex Machina, E.V.E., Synthetic Frame, Cherubin, entre autres... et la liste est longue.

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Je ne peux pas vous expliquer en détail chacun de ces termes, ce que je vous ai présenté ci-dessus représente le strict minimum pour comprendre l'univers que j'ai eu le privilège de découvrir. Le personnage de Leben est remarquablement bien développé, tout comme la plupart des autres personnages que vous rencontrerez. Consumée par la haine envers l'humanité, elle devra surmonter ce sentiment pour mener à bien le projet d'Enoa, avec l'espoir de ramener à la vie la seule personne qu'elle aime, sa sœur. C'est dans cette complexité psychologique que le jeu tente de vous immerger. Il faudra du temps pour vous approprier l'ensemble des concepts abordés et pour que cette histoire devienne véritablement la vôtre. C'est en ce sens que je considère Crymachina comme un roman visuel consistant plutôt que comme un RPG d'action classique.

Vous allez lire, beaucoup...

En effet, afin d'éviter d'égarer le joueur dès les premières cinématiques, les concepteurs ont eu la judicieuse idée d'offrir un menu dédié au lore du jeu. Ce dernier inclut des informations sur les personnages, des archives et des dialogues qui seront à votre disposition pour vous assister dans l'assemblage des pièces du puzzle que constitue ce titre. Au fil de votre progression dans l'histoire, vous dévoilerez davantage de détails sur les différents protagonistes que vous rencontrerez, mais cela ne se fera pas toujours d'un seul coup. En effet, certaines parties de ces fiches resteront occultes jusqu'à la survenue d'événements spécifiques. Si, comme moi, vous n'appréciez guère l'idée de jouer à l'aveugle et que vous souhaitez acquérir une connaissance approfondie de l'univers pour mieux l'apprécier, vous disposerez de toutes les ressources nécessaires. Ceci étant dit, les discussions que vous aurez avec les autres E.V.E. ou Enoa, vous donneront une ressource utile à la progression de vos personnages, mais nous aborderons ce point plus tard.

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Jouons un peu, ma serpette est perdue

Poursuivant notre exploration de ce monde virtuel précédemment mentionné, vous vous aventurerez à travers ce réseau informatique à la recherche d'Idea Code. Pour ce faire, vous accéderez à partir d'un menu à des adresses mémoires qui se présenteront sous la forme de micro-donjons à explorer en utilisant l'une de vos E.V.E.. Vous suivez toujours ? Ces donjons conservent une structure similaire, seuls les détails diffèrent. Certains incluent des puzzles (d'une simplicité déconcertante), ainsi qu'une série d'ennemis appelés Cherubin, le menu fretin. À la fin de chaque donjon, vous rencontrerez soit un Semi-Cherubin (un Cherubin porteur d'un Idea Code), un Deus ex Machina, ou une ou plusieurs E.V.E. appartenant à un autre Deus. Vous devrez donc les vaincre pour collecter des Idea Code, ainsi que de l'ExP et de l'Ego. Les Idea Code, une fois identifiés, donneront naissance à de l'équipement, l'ExP servira à monter de niveau et l'Ego à augmenter vos statistiques. Cette dernière ressource ne se gagne pas uniquement en donjon, car les discussions que vous aurez avec les personnages partageant votre mission vous en accorderont également. De plus, lors de l'identification d'Idea Code, vous gagnerez aussi cette précieuse ressource.

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À la fin de chaque donjon, vous retournerez à l'Imitation Garden, votre hub central, où vous prendrez part à une série de discussions qui feront progresser le scénario. De plus, un menu vous sera proposé pour consulter vos archives, équiper vos E.V.E., les améliorer et les faire monter de niveau. Vous aurez également accès à une liste de discussions, obligatoires ou optionnelles, qui vous permettront d'en apprendre davantage sur Enoa, les E.V.E. et Leben.

La structure des activités proposées par le jeu est plutôt simple, rappelant un RPG mobile. Les donjons, assez courts, auront un impact sur votre puissance en fonction des ressources que vous récolterez. Ce n'est peut-être pas la manière la plus innovante de structurer un jeu, mais en réalité, l'histoire et les explications qui sous-tendent cette structure sont si bien élaborées que vous ne le ressentirez pas comme un défaut majeur.

En ce qui concerne les combats, un élément qui a particulièrement attiré mon attention lors de l'observation des vidéos de gameplay concerne la manière dont ils sont exécutés. Cependant, je dois avouer que malgré leur technicité, je reste quelque peu insatisfait. Les mécaniques de combat comprennent une esquive fluide, un système de blocage qui crée souvent des opportunités de contre-attaque bienvenues, ainsi qu'une attaque chargée. De plus, chaque Cherubin possède une jauge de faiblesse qui, une fois épuisée, permet d'infliger un coup puissant en utilisant une combinaison de touches. Enfin, les Combat Support Program offrent des options de combat supplémentaires, notamment la possibilité de se soigner, d'activer la transcendance (Awaken), de s'échapper du donjon ou de lancer une attaque distante puissante avec l'aide d'Enoa.

La vitesse de vos actions en combat dépendra en grande partie du type d'arme que vous choisissez d'équiper, et il existe une impressionnante variété d'armes, chacune adaptée à différents styles de jeu. De plus, vous avez la possibilité d'ajouter des artéfacts (Sentiment) à vos armes, généralement de deux à quatre selon le type d'arme, leur conférant des capacités telles qu'un bouclier supplémentaire ou la capacité d'infliger un malus de zone aux ennemis. Dans l'ensemble, les combats sont indéniablement efficaces.

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De plus, pour améliorer les capacités de vos E.V.E., vous avez la possibilité d'augmenter leurs statistiques spécifiques, allant au-delà de la défense ou de l'intelligence. En effet, l'Ego peut être utilisé pour améliorer certaines variables qui influent sur la vitesse à laquelle les ennemis deviennent vulnérables, sur la capacité à utiliser des armes plus puissantes, voire sur la réduction des dégâts subis pendant les combats. L'Ego joue également un rôle dans l'efficacité et la durée des effets des Combat Support Program.

J'ai vraiment apprécié la profondeur du gameplay et toutes les possibilités qu'il offre. Le jeu est exigeant, du moins dans son mode normal, il est évident qu'une optimisation maximale de vos personnages soit nécessaire. Néanmoins, une ombre au tableau réside : celle de la taille des donjons. Ceux-ci sont minuscules, même s'ils brillent par leur direction artistique. J'aurais aimé un peu plus de longueur, de recherche, de combats pour ressentir l'exaltation de l'utilisation et de l'optimisation de mes personnages. Je ne demande pas la lune, ni des donjons aussi longs que ceux d'un Persona, mais trois ou quatre fois leur taille n'aurait pas été du luxe. Le problème, c'est qu'entre deux donjons, il peut y avoir environ quarante minutes de texte, ce qui déséquilibre forcément la fluidité de la progression pour un amateur d'action.

Visuellement, Crymachina reste cohérent

La direction artistique de Crymachina ne peut être qualifiée de parfaite, mais reste cohérente. L'une de ses sources d'inspiration majeures est le manga Blame!, une série de seinen cyberpunk créée par Tsutomu Nihei, comme le révèle le producteur du jeu lors d'une interview. Ce lien est manifeste à chaque changement de perspective. Les donjons affichent une architecture polygonale intelligemment agencée pour créer une impression de grandeur abyssale, rappelant l'univers de Blame!. Les personnages, quant à eux, arborent une esthétique soignée, marquée par des éléments mécaniques et électroniques qui leur confèrent une allure impressionnante.

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Associée au charisme de jeunes femmes aux formes généreuses, cette esthétique crée des silhouettes de grande qualité. Les visages des personnages se distinguent par leurs yeux démesurés et des lèvres à peine plus grandes qu'un pétale de rose. Les Dei ex Machina se démarquent également, certains par leur taille gigantesque, d'autres par leur efficacité et leurs proportions. Dans l'ensemble, j'ai fortement apprécié la direction artistique du jeu, malgré quelques inégalités dans les textures et modèles 3D de certains donjons. En ce qui concerne la musique, elle s'accorde parfaitement avec l'univers visuel, passant d'une musique électronique rythmée pendant les combats à des symphonies mélodramatiques lors des moments émotionnels. Crymachina demeure cohérent dans son approche artistique, autant que possible compte tenu de sa complexité narrative.

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Les machines peuvent pleurer

Il est rare de croiser une œuvre de cette envergure. Ce que nous pourrions considérer comme une limitation budgétaire est largement compensé par la profondeur de son récit et l'efficacité de son gameplay. Je le répète avec insistance, Crymachina n'est pas destiné à un large public. Sa complexité narrative et son traitement de sujets extrêmement dérangeants le rendront probablement inaccessible à de nombreux joueurs. De plus, son aspect axé sur la progression, qui séduira principalement les adeptes de jeux de rôle, en fera une expérience plutôt marginale. Cependant, si vous vous sentez prêt à relever le défi, si vous appréciez une histoire riche en narration, si vous ne craignez pas de parcourir de courts donjons de façon répétée, si vous recherchez des combats exigeants, et si vous avez un intérêt pour la philosophie et la psychologie, je ne peux que vous encourager à plonger dans cette expérience qui transformera à jamais votre perspective sur l'humanité.

Crymachina sortira sur PS4, PS5, Nintendo Switch et PC via Steam le 24 octobre 2023.

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[ 7.8 ] Crymachina

  • Date de sortie (japon) : 24/10/2023
  • Date de sortie (Europe) : 24/10/2023
  • Développeur : AQURIA
  • Éditeur : FuRyu
  • Consoles : Ps4, Ps5, Switch, PC
  • Scénario 85%
  • Direction artistique 86%
  • Gameplay 72%
  • Plaisir 60%
  • Une histoire originale et touchante
  • Une direction artistique atypique
  • Une profondeur de gameplay intéressante
  • L'écriture des personnages
  • Le retard technique
  • La petite taille des donjons
  • Très peu de combats au final
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