Nous avons eu la chance, grâce à nos compères de 505 Games de mettre les mains sur le fils spirituel de la licence Suikoden, j'ai nommé Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes. N'étant pas attaché à la licence d'origine, mis à part à l'opus Nintendo DS auquel j'ai joué une dizaine d'heures, c'était pour moi un défi d'entrer dans l'univers d'un JRPG au casting hautement gonflé (avec tous les défauts qu'une telle ambition peut engendrer). J'ai tenté de comprendre ce que pouvait apporter une telle fonctionnalité et d'en tirer le maximum pour parfaire ma progression. Et à dire vrai, ce n'est pas sans mal que je me suis contraint, plusieurs fois, à me forcer de reprendre ma partie.
Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes, une aventure bloquée dans les nineties
La licence Suikoden compte ses millions d'adeptes. Cette série vise à concentrer son gameplay et son univers autour d'une multitude de personnages distincts. Pour ma part, ayant joué à Pokémon toute ma vie, je pensais qu'il en serait de même pour une telle licence. Je me suis sans doute trompé...
Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes va plus loin, en nous proposant de recruter des personnages non pas sans but, mais pour constituer une armée contre l'invasion forcée de l'empire. C'est là que nos amis interviennent. Nowa, le personnage que nous avons déjà introduit dans la preview du jeu, devient par force des choses le responsable de la rébellion. Il parcourt donc les différentes contrées du monde pour faire des personnages de tout horizon ses alliés.
Si dans les premières heures du jeu, les recrutements furent assez scénarisés et appréciables, il arrive que dans la suite, ils ne se résument qu'à des quêtes de récolte ou à un combat, effaçant inexorablement la tentative de développer ces nouveaux personnages. Je suis conscient que travailler l'histoire d'une centaine de héros soit difficile et demande beaucoup de temps, mais pour certains, le recrutement se fait automatiquement à la fin d'un dialogue ou d'une cinématique sans pour autant connaître le personnage au moins en surface.
Ce sont ces visages add-on, qui auront une utilité dans le développement de votre ville, mais celle-ci se résumera à leur métier respectif. Ils restent, tristement, sur la touche, avec seulement la possibilité d'échanger un bonjour rapide avant d'accéder au menu de l'installation ou de reprendre votre aventure. Me rappelant Ni no Kuni II et sa construction de château, dans ce dernier jeu, chaque quête de personnages était scénarisée -même succinctement- et nous avions la possibilité d'en apprendre plus sur eux par ce biais. Il nous manque des informations et c'est ce caractère qui semble parcourir globalement le soft, mais nous y reviendront plus tard.
Il est vrai que lorsque nous nous lançons dans une aventure rétro, nous savons à quoi nous attendre. La prise de notes, la lecture de tous les dialogues, le traçage de carte, etc. Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes excelle dans ce domaine. Vous avez la possibilité de passer les dialogues, mais attention, si une information vous échappe, vous risquez de passer à côté du recrutement d'un nouveau personnage à jamais. C'était d'autant plus marquant dans les JRPG de l'époque, qui exigeaient l'investissement et la concentration du joueur. Cependant, aujourd'hui, avec les facilités offertes, nous nous retrouvons avec des options de qualité de vie qui vont à l'encontre du type de jeu que l'on nous propose. Si vous passez une cinématique, sachez bien que c'est à vos risques et périls.
Globalement, l'histoire me parait assez banale, le développement des personnages secondaires reste extrêmement succinct, une attention particulière est tout de même donnée aux héros entourant le joueur pour le bien du scénario. Tout est une excuse à la fonctionnalité du titre. Construire une armée pour combattre l'empire, induisant forcément le recrutement de nouveaux héros. Si le fond est intéressant et propose des twists qui ont réussi à me scotcher ou à me faire verser une petite larme, lorsque l'on se retrouve en période plus creuse, nous avons l'impression que les personnages n'évoluent plus et que les nouveaux venus décident de trahir l'empire pour 10 minerais de fer ou cinq œufs.
Naviguer à travers les demandes des personnages est d'autant plus délicat que ces dernières ne sont pas répertoriées. Par exemple, avec le forgeron, j'ai dû retourner à une sauvegarde antérieure pour comprendre ce qu'il attendait de moi, faute de pouvoir rejouer l'intégralité de son dialogue. En ce qui concerne le suivi de vos aventures, les développeurs ont pensé à nous fournir un journal, mais seulement pour l'épopée principale. Pour les quêtes secondaires, parfois les PNJ donnent des indications, parfois non, ce qui signifie qu'il vous faudra souvent sauvegarder pour ne rien manquer. De plus, les sauvegardes ne se font qu'aux points spécifiques du jeu, ce qui signifie que jusqu'à ce que vous obteniez la téléportation, vous serez dans l'obligation faire des allers-retours inutiles.
La question qui me taraude est la suivante : sommes-nous plongés dans une expérience qui célèbre les années 90, ou simplement face à une œuvre créée par une équipe figée dans cette décennie ? Le deuxième élément de réponse me semble plus correct. Je pense que le jeu, dans l'histoire et la progression de celle-ci plaira aux passionnés, mais elle vous demandera une extrême concentration si vous voulez la terminer dans les meilleures conditions.
Les mécaniques de jeu restent assez classiques
Après avoir abordé le recrutement, plongeons dans le cœur même du jeu. Les combats se déroulent au tour par tour, où chaque personnage se voit attribuer des caractéristiques déterminantes pour sa position sur le champ de bataille, que ce soit en première ligne ou en arrière-plan. Vous découvrirez une diversité de rôles, des mages aux tanks, en passant par les soigneurs et les DPS, vous offrant la liberté de constituer une équipe à votre image.
Chaque personnage peut être équipé de runes, une à plusieurs selon les emplacements disponibles, débloquant de nouveaux emplacements au fil de leur progression. Ces dernières, aux propriétés variées, apportent des bonus ou des compétences spéciales, mais tous ces artefacts ne sont pas compatibles avec tous les personnages. C'est leur rôle respectif qui détermine la compatibilité d'une rune avec un héros donné. De plus, des personnages peuvent être ajoutés à l'équipe en soutien, donnant bonus ou fonctionnalités supplémentaires. Attention, ceux-ci ne pourront pas prendre part au combat.
En outre, vos personnages peuvent être équipés d'armures sur quatre emplacements. Ces pièces d'équipement peuvent être trouvées dans des coffres ou achetées en magasin. Ensuite, vous avez la possibilité d'améliorer vos armes, mais celles-ci sont indissociables du personnage.
Maintenant que tout notre petit monde est équipé, parlons de l'essence des combats. Vous avez la possibilité de faire des attaques normales, d'utiliser vos compétences runiques moyennant seulement des SP et dans certains cas SP et MP. Les SP se gagnent automatiquement à chaque tour et les MP, malheureusement, doivent être restaurés grâce à des objets de soin. De plus, en fonction du rôle de votre personnage, l'option de défense changera. Tantôt ce sera l'esquive, tantôt la concentration pour asséner une attaque plus puissante au tour suivant, et ainsi de suite. Enfin, la cerise sur le gâteau réside dans les combos des héros. Ces attaques groupées, aussi impressionnantes qu'efficaces, nécessitent également des SP et offrent un excellent moyen de retourner la situation en votre faveur.
Un élément important à surveiller pendant les combats est la ligne temporelle, qui a tendance à se modifier en fonction des actions que vous choisissez d'entreprendre. Il vous faudra visualiser attentivement la séquence d'action des alliés et des ennemis afin de garantir votre priorité sur un soin d'équipe urgent ou sur un affaiblissement des ennemis avant de déclencher vos propres actions. Dans un système où l'on planifie d'abord toutes les attaques avant de les exécuter, la gestion du timing devient essentielle pour sortir victorieux de la bataille sans encombre.
Vos attaques peuvent revêtir l'un des cinq attributs physiques, allant de l'entaille à la prise en passant par le contondant, ainsi que l'un des six attributs magiques, tels que le feu, l'eau ou le vent. Il sera donc important d'analyser vos ennemis afin de déduire leurs faiblesses. Par exemple, les ennemis volants seront sensibles aux attaques aériennes, tandis que les attaques contondantes briseront la défense des ennemis équipés d'armure ou de bouclier.
Les combats peuvent également être menés en mode automatique grâce à une configuration avancée des réactions des personnages, bien que cela ne soit pas aussi complet que les Gambits de Final Fantasy XII. Cependant, cette fonctionnalité a le mérite d'exister.
Lors des combats de boss, bien que ce ne soit pas toujours le cas, vous aurez également la possibilité d'utiliser des gadgets. Éléments du décor tels que des grues ou des livres de magie, ces fonctionnalités intégrées à l'environnement du jeu viendront à votre rescousse lors de vos affrontements. Il est important de ne jamais les sous-estimer, car ces particularités seront déterminantes si vous souhaitez une issue favorable pour votre petit groupe.
Une exploration inégale
Le déplacement dans le vaste monde d'Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes semble être, pour ma part, une expérience mitigée. Malgré la présence de zones ouvertes avec des rencontres aléatoires, celles-ci manquent cruellement d'utilité. Aucun coffre à dénicher, aucun PNJ à rencontrer, aucun bâtiment à explorer, à l'exception des représentations des villes, forts et donjons. Il est difficile de ressentir du plaisir à explorer ces vastes étendues, car aucun secret ne semble vous y attendre. D'autant plus que le niveau des monstres ne s'adapte pas à votre équipe, vous devrez donc subir les rencontres aléatoires ne vous offrant qu'un point d'expérience et quelques piécettes.
Quant aux donjons, bien qu'ils ne soient pas toujours labyrinthiques, ils proposent des énigmes tantôt intéressantes tantôt simplistes. Néanmoins, un aspect frustrant réside dans le fait que si vous manquez un dialogue faute d'inattention, vous pourriez vous retrouver complètement bloqué à l'intérieur. Il vous faudra alors charger une sauvegarde antérieure, à condition que vous en ayez pris la précaution. Cette incertitude laisse un sentiment d'incomplétude qui a réellement pesé sur mon expérience de jeu.
Notre ville, ou la promesse d'une mécanique intéressante
En voyageant, vous rencontrerez sur votre chemin des objets inutiles pour une utilisation en combat, mais d'une certaine importance pour l'évolution de votre ville. Du bois, de la nourriture, du minerai, des peaux de bêtes... seront des ressources indispensables à l'expansion de votre château. De plus, les diverses installations telles que la forge, le magasin, le centre de stockage, et autres, nécessiteront non seulement des ressources, mais également une monnaie spécifique et parfois le recrutement de nouveaux personnages.
Le but ultime est de bâtir le centre névralgique de votre aventure, afin de bénéficier de toutes les installations proposées par le jeu. Cela constitue une raison supplémentaire de recruter un maximum de personnages et de perfectionner votre chez-vous. Personnellement, je trouve que cette fonctionnalité est sous-exploitée. En effet, bien que les installations offrent des services pouvant être améliorés grâce à un investissement en ressources considérable, les mêmes services sont accessibles partout dans le monde, à l'exception peut-être des avantages nocturnes de l'auberge ou de la cuisine.
Quand c'est la guerre, dans Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes, c'est vraiment la guerre !
Une des fonctionnalités du jeu qui m'a le plus enthousiasmé à étiendre ma console, ce sont les instances de guerre. Durant celles-ci, vous organisez vos alliés en légions pour affronter celles de l'empire. Vos alliés dirigent les unités composant vos légions, et plus vous recrutez d'alliés, plus vos légions deviennent puissantes.
Ce mini-jeu vous transporte sur une grille, où vous placez vos légions avant de lancer la bataille. Si vous choisissez de les déplacer sur une case occupée par un ennemi, votre légion attaque. Une légion subissant des dégâts se retire de la zone, tout comme les légions anéanties se retirent du jeu.
De plus, vos troupes possèdent des compétences appelées Ordres spéciaux, qui s'activent avant que vous ne débutiez votre tour. Il existe également deux jauges, une de rage et une de moral. La rage augmente lorsque vos troupes subissent des dégâts, tandis que le moral augmente lorsqu'elles en infligent. La rage renforce vos dégâts, tandis que le moral empêche les ennemis de fuir.
Encore une fois, l'idée semble prometteuse sur le papier, mais dans la pratique, les instances de guerre souffrent de graphismes minimalistes et de contrôles archaïques. Lorsque vous lancez une action, les batailles s'enchaînent sans que vous n'ayez le moindre contrôle, et il est impossible d'accélérer l'animation. Cette dernière est d'une lenteur exaspérante, et si vous vous trouvez en difficulté, il vous est impossible de recommencer en cours de partie. Vous assistez donc impuissant à la chute de vos légions sous le courroux de l'ennemi.
Une direction artistique très moyenne
Je suis un grand amateur des productions en 2.5D, que ce soit le magnifique HD2D de Square Enix ou la version Unreal Engine de Star Ocean: The Second Story R. Cependant, je dois avouer que la réalisation visuelle d'Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes est celle que j'apprécie le moins. Bien sûr, les personnages sont réussis, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais c'est la conception des zones ouvertes qui m'a laissé perplexe. Les décors manquent cruellement de détails et semblent extrêmement plats. C'est dommage, car non seulement leur qualité est médiocre, mais en plus, ces zones ne suscitent guère l'envie d'être explorées, étant donné leur manque de fonctionnalités, comme je l'avais souligné plus haut. Il existe un flou de fond constant qui nous empêche de profiter pleinement des panoramas en ville ou en donjon pourtant très jolis. C'est rageant !
En ce qui concerne les donjons, ils sont assez originaux et s'intègrent plutôt bien à la flore environnante, mais cette réutilisation incessante d'assets les rend assez banals. En revanche, pour les combats, les animations sont très fluides et belles. Une fois de plus, ce sont les combats qui bénéficient du meilleur traitement. La bande-son manque de mémorabilité. Les boucles musicales sont de bonne qualité, mais trop courtes engendrant une sensation de répétition, à tel point qu'il m'est arrivé de jouer plusieurs heures sans le son.
Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes, un jeu qui manque cruellement de finitions
Je suis assez attristé de vous laisser sur cette note. Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes était très attendu par la communauté de fans de Suikoden et de JRPG en général. À la rédaction, mes collègues étaient surpris de m'entendre critiquer le jeu à intervalles réguliers sur les points que j'ai détaillés dans ce test.
Je suis un peu perdu quant à la conclusion, car malgré mes impressions, cela n'a pas été la pire expérience de jeu pour moi. Depuis le lancement de sa campagne Kickstarter, nous suivions ce JRPG avec impatience, plein d'espoir pour ses promesses : une pléthore de héros, un nouveau monde à explorer, des combats stratégiques passionnants... C'était une lueur d'espoir pour les fans de la licence Suikoden, délaissée par Konami depuis tant d'années.
Il est difficile de dire autre chose que, selon moi, Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes ne mérite pas le titre d'aventure mémorable. Bien qu'il possède des qualités indiscutables telles que son système de combat, l'ensemble est entaché par un manque de finition et une méconnaissance des standards actuels du jeu vidéo, tels que l'ergonomie et le souci du détail des fonctionnalités du jeu. Les mini-jeux inclus semblent être des ajouts secondaires, comme si leur intégration répondait simplement à une liste de fonctionnalités standard pour un JRPG, sans véritable innovation ou engagement.
Certes, l'expérience est appréciable en raison de son aura et de son héritage, cela va de soi. Cependant, pour ceux qui attendaient une véritable renaissance du genre à travers ce titre, je crains, malheureusement, qu'ils ne soient sujets à la déception.
Jeux liés à cet article
- Rejoins notre Discord
- Partage notre contenu ou rejoins-nous sur nos Réseaux Sociaux
- Tu veux soutenir le projet, rejoins nos généreux donateurs sur Patreon
Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes
- Date de sortie (japon) : 23/04/2024
- Date de sortie (Europe) : 23/04/2024
- Développeur : Rabbit & Bear Studios
- Éditeur : 505 Games
- Genres : Tour par tour
- Consoles : Ps4, Ps5, Switch, PC, Series, One
- Scénario 70%
- Technique 60%
- Gameplay 80%
- Plaisir 70%
- La profondeur des affrontements, affinités élémentaires, positionnement...
- La direction artistique des personnages
- Le fond de l'histoire
- Les décors
- L'utilisation de la lumière
- Les ombres et flous mal maîtrisés
- Le mini-jeu de guerre
- L'absence de suivis dans les quêtes secondaires
- L'ergonomie
- Les longueurs scénaristiques
- Le manque de travail sur certains personnages
Merci pour le test sans parler des sessons pass etc etc quand on veux faire du vieux c'est bien mais avec les mauvaises idées nouvelles... 😉
Aie… aie… aie Je sais pas trop quoi en pensait. On va attendre plus de retour je crois. Mais ça sent moyennement bon…
J’ai l’impression que c’est un jeu qui finira vite dans « Je vais attendre que le jeu soit en solde pour me le prendre ».
Merci du test en tout cas !