Un an après sa sortie PS5, le deuxième volet de la nouvelle trilogie Final Fantasy VII s’invite sur PC. Ce portage, dont la qualité première est de rendre cette aventure accessible à davantage de joueur·ses, apporte aussi quelques améliorations sur les plans techniques et graphiques. Cependant, ce test propose aussi – et surtout – un autre regard sur cette œuvre ambitieuse. Vous pouvez retrouver ici le test publié l’an passé par Kuro !
Je vais t'offrir un monde...
…Aux mille et une splendeurs, et sans doute un peu plus. C’est l’une des grandes promesses de Final Fantasy VII Rebirth, qui nous dévoile rapidement les vastes étendues de la Prairie, et nous fera ensuite voyager aux quatre coins de Gaïa, de Junon à Gongaga en passant par Costa Del Sol. Après le huis-clos de Remake au sein de la tentaculaire Midgar, Cloud et consorts prennent un bon bol d’air frais, et la diversité des terres explorées est l’un des grands points forts du jeu.
Socle d’ancrage pour le gameplay, chaque région se laissera découvrir grâce aux nombreuses tâches octroyées par Chadley, jeune et brillant chercheur déjà croisé dans FF7 Remake. Activation des tours de transmission, découverte des puits de vie, combats face à des monstres féroces sur les terrains de chasse… Les missions sont assez classiques pour un jeu de ce style, et servent surtout de prétexte pour explorer le monde et faciliter le renforcement de l’équipe. Elles fournissent aussi davantage de visibilité aux personnages secondaires, et nous offrent de courts récits annexes tantôt cocasses, tantôt touchants.

L’ambition technique et visuelle du titre se fait au prix de quelques sacrifices. L’exploration est moins souple que chez certains "concurrents" : impossible par exemple d’escalader toutes les parois ou de sauter d’une corniche trop élevée. Des repères colorés vous guideront sans difficulté, que vous soyez à pied ou à dos de chocobos montagnards, mais cette relative rigidité incite parfois à une approche productiviste de la balade, où l’on se dirige d’un point A à un point B sans profiter des chemins de traverse.
Malgré tout, le sentiment de liberté reste prégnant, et les splendides décors vous donneront plus d’une fois l’envie de prendre une pause ou d’utiliser le mode photo, qui vous laissera tranquillement choisir le meilleur angle pour immortaliser un paysage mémorable. Le portage PC, malgré quelques inévitables défauts (ralentissements ponctuels, animations parfois abruptes, lumières vives à l'entrée ou sortie des bâtiments), offre sur ce plan artistique une excellente prestation*.

Enrichir les bases posées par Final Fantasy VII Remake
Avant tout cela, cependant, un prologue de luxe nous plonge quelques années en arrière, lors d’une mission ramenant Cloud dans son village natal de Nibelheim aux côtés d’un certain… Sephiroth. Une mise en image du récit de notre héros, qui témoigne des évènements ayant transformé le légendaire SOLDAT en incarnation du mal. Le plaisir de manier quelques instants l'éphèbe aux cheveux d'argent et sa Masamune est aussi didactique : mélange d’ATB et d’A-RPG, le système de combat n'est pas si évident à prendre en main, et vous assurera des affrontements tendus dès le mode normal.

Quelques ajouts de gameplay sont proposés par rapport à Remake, notamment les compétences synchronisées qui font travailler deux personnages simultanément pour différents effets, des dégâts bruts aux bonus en tout genre. Celles-ci s'obtiennent grâce au Codex, arbre de compétences qu'il faudra régulièrement mettre à jour pour débloquer des améliorations et faciliter votre progression. Cela dit, la bonne prise en main du système de combat reste indispensable ; les meilleures armes, matérias et compétences ne sauraient compenser un gameplay irréfléchi. Comme on dit aux échecs : "la force de l'exécution ne résout pas la faiblesse de la conception".
Un scénario cousu de fileurs blancs
Entre les phases d’exploration libre évoquées tantôt, se déroulent les séquences scénaristiques plus linéaires qui font avancer l’intrigue, souvent au cœur des villes ou des "donjons". Cadet de la fratrilogie, Rebirth endosse un rôle finalement assez ingrat : coincé entre une spectaculaire introduction et une conclusion que l’on attend grandiose, il doit dérouler l’essentiel des péripéties du jeu originel, ce qui rend plus difficile la gestion du rythme. Ajoutons par ailleurs que le jeu se veut très accueillant pour les joueur·ses n’ayant pas fait Remake, et ne peut donc pas s’appuyer trop grossièrement sur les éléments mis en place dans le premier opus.
C’est la malédiction de cette renaissance en trois actes : essayer désespérément d’être Final Fantasy VII, en évitant absolument d’être Final Fantasy VII.
Bien qu'elle soit très plaisante à suivre, la progression de l’histoire se fait parfois de façon artificielle. L’essentiel du jeu repose sur la poursuite par procuration de Séphiroth par le biais des Manteaux Noirs, humains désincarnés que la surexposition au Mako semble avoir privés de conscience. Cette nouveauté par rapport au jeu original donne certes une ligne directrice, mais après plusieurs itérations, le processus prend des allures d’astuce un peu facile pour justifier la prochaine destination du groupe. Une décision curieuse, quand on connaît la volonté des créateurs de jouer précisément avec les fils du destin…

Malgré ce reproche structurel, chaque sous-intrigue est déployée avec brio, et la réalisation vient parfaitement soutenir les moments forts, comme l’inénarrable séquence du défilé de Junon. Un mini-jeu de rythme plutôt léger, coincé entre un tir belliqueux et viriliste du Canon Mako, et une confrontation directe avec Rufus, nouveau président de la ShinRa : d’un pied sur l’autre, le jeu jongle entre tension et relâche. Peut-être même – oserions-nous le dire – un peu trop ?
Un homme comme les autres
La volonté de rompre le charme crépusculaire d’un monde dystopique où les choses vont globalement assez mal (c’est tout de même la Fin du Monde qui nous guette !) devient parfois excessive. Tifa et Aerith, aux personnalités pourtant très différentes, se comportent ensemble de façon étonnante ; il est appréciable de voir des personnages féminins nouer une relation d’amitié, mais leurs conversations d'insouciantes collégiennes sont parfois incongrues, pour le dire sobrement. Rappelons au minimum que toutes deux ont perdu leurs parents dans des circonstances traumatisantes...
Ce désir de légèreté apporte néanmoins son lot de moments réjouissants. L’arrivée impromptue de Red XIII à la fin du tournoi de Queen’s Blood est absolument hilarante, court répit avant de nouveaux combats dérangeants. Même les pitreries de Yuffie, égale à elle-même, sauront vous arracher quelques sourires.

Toujours sur le sujet des personnages, nous devons nous arrêter un instant sur Cloud. Le beau blond demeure certes un protagoniste adulé par les fans, il n’en reste pas moins un drôle d’animal. L’influence du mako et son passé traumatique (une caractéristique partagée par toute l'équipe) expliquaient déjà sa nature taciturne en 1997, et le passage à la 3D ne fait que l'accentuer. Souvent maladroit dans ses interactions, notamment avec Tifa, son austérité et son manque d’éloquence renforcent le contraste avec les autres figures fortes du jeu. Si les séquences de dialogue interactif permettent de lui offrir un peu de vitalité, notre brave champion reste finalement en retrait par rapport à ses alliés.
Final Fantasy VII : Queen's Blood
Pour nombre de joueur·ses, ce second volet aurait sans doute pu s'intituler ainsi. Déjà mentionné plus haut, le Queen's Blood est le génial jeu de cartes de Rebirth, qui motivera vos pérégrinations aussi efficacement que la recherche d'un nouvel équipement. Dans un titre où les mini-jeux plus ou moins anecdotiques sont légion, c'est bien celui-ci qui tire son épingle du jeu : en mêlant richesse stratégique et rapidité des parties, cet interlude vous garantit quelques maux de tête et de nombreuses satisfactions. Investissez-vous dès le début, et le chapitre 5 deviendra une véritable croisière !
Bien conscient que les jeux de cartes sont désormais un classique depuis un certain Gwent, Square Enix double, triple, décuple la dose. Ici, un vibrant hommage au Fort Condor, à travers un jeu de plateau de stratégie en temps réel ; là, des courses à profusion, à dos de Chocobo, dauphin, motos... Bien au-delà du Gold Saucer, c'est une large variété d'activités qui rythment l'aventure.

Du jazz à l'orchestre, une fantastique fanfare
En parlant de rythme, il est plus que temps d'aborder la musique de cet opus. Une nouvelle fois colossale, la bande originale s'étend sur 7 disques, et ce ne sont pas moins de 35 compositeur·trices et arrangeur·ses qui auront été mis à contribution ! Une entreprise considérable, qui s'inspire largement des compositions originales de Nobuo Uematsu, à travers de multiples arrangements ou subtiles références mélodiques. Quel délice d'être porté par une reprise de l'enivrante Hollow dans la région de Kalm (Hollow Skies), du thème principal de Final Fantasy VII à travers la Prairie, ou de voir le légendaire Those Who Fight enflammer l'affrontement contre le premier véritable boss !
Et pourtant... Cette gargantuesque chorale, si généreuse, souffre parfois de ses nombreuses voix. Certaines transitions musicales s'avèrent abruptes, d'une lugubre symphonie à un jazz déjanté, comme si tous les artistes essayaient de s'exprimer en même temps. Le travail de supervision opéré par le grand Keiji Kawamori reste admirable, mais il est compliqué d'obtenir un résultat parfaitement homogène avec de si nombreux contributeur·trices. Sans oublier la volonté farouche d'offrir autant de variété que le jeu lui-même, en citant à loisir l'œuvre d'origine, tout en l'enrichissant de nombreuses couches.

C’est bien la cruelle malédiction de cette renaissance en trois actes : essayer désespérément d’être Final Fantasy VII, en évitant absolument d’être Final Fantasy VII. Par essence, le projet nourrit des attentes démesurées, et les exigences de perfection sont à la fois compréhensibles et injustes. On peut reprocher des choses à FF7 Rebirth, qu’il s’agisse de technique, de narration ou simplement de game design ; mais son absolue générosité, son envie débordante de bien faire, son esthétique somptueuse et sa faculté à respecter le jeu original en le transgressant adoucissent infiniment ces complaintes.
Final Fantasy VII Rebirth est un jeu formidable, grandiose, riche et engageant. Il n’est simplement pas parfait… et c’est tant mieux, car il reste un dernier acte à Square Enix pour conclure cette histoire en apothéose !
Final Fantasy VII Rebirth sera disponible sur PC via Steam et l'Epic Games Store le 23 janvier 2025.
*Configuration utilisée pour le test : AMZ Ryden 7 5800H, NVIDIA GeForce RTX 3070 Laptop, 16Go de RAM
- Rejoins notre Discord
- Partage notre contenu ou rejoins nous sur nos Réseaux Sociaux
- Tu veux soutenir le projet, rejoins nos généreux donateurs sur Patreon
Final Fantasy VII Rebirth
- Date de sortie (japon) : 23/01/2025
- Date de sortie (Europe) : 23/01/2025
- Développeur : Square Enix Creative Business Unit I
- Éditeur : Square Enix
- Genres : Tour par tour, Action
- Consoles : PS5, PC
- Scénario 80%
- Technique 90%
- Gameplay 90%
- Plaisir 90%
- Une aventure colossale (plus de 50h, et sans trainer)
- Les décors absolument somptueux
- Un gameplay exigeant qui peut vite devenir nerveux
- Une bande originale généreuse et diversifiée
- Des cinématiques de grande qualité
- Le Queen's Blood, évidemment
- Plusieurs séquences humoristiques très réussies
- Une narration parfois artificielle
- Quelques ralentissements et animations peu fluides
- Certains dialogues hors de propos