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Fuga: Melodies of Steel — Lire dans les yeux d'un enfant

CyberConnect2 revient à ses racines narratives avec un chant de guerre et de mémoire — Fuga: Melodies of Steel —, premier volet d’une trilogie qui ne joue pas tant avec les balles qu’avec les larmes. Évoquant une fable de fer et de feu dans un monde où les enfants pilotent un tank géant pour sauver leurs familles, le jeu s’inscrit quelque part entre Valkyria Chronicles et Panzer Dragoon, mais le cœur du titre bat ailleurs.

— Ce papier est un aperçu du premier titre de la licence. Une histoire en entraînant une autre, celle-ci vous permettra d'être mieux préparés avant la sortie du troisième opus ce 29 mai 2025, du moins, nous l'espérons...

Sous ses airs d'outsider dramatique dans un catalogue souvent plus flamboyant, Fuga est le fruit d’un désir ancien : celui de Hiroshi Matsuyama, président de CyberConnect2, de créer une œuvre originale, hors des sentiers battus des licences. Un projet personnel, né dans les interstices de l'industrie, nourri aux souvenirs de Tail Concerto et Solatorobo, mais surtout mûri par une urgence : celle de raconter ce que la guerre fait aux enfants. Et ce qu’ils choisissent de faire en retour.

— Une guerre racontée par des enfants, pour les adultes qui veulent encore écouter.

Dans Fuga, les visages sont ronds, les couleurs saturées, et l’interface presque ludique — mais le ton est grave. Il y a des rires, oui, mais toujours dans l’ombre d’une menace : celle du Canon des Âmes, arme démesurée du tank Taranis, qui exige le sacrifice de l’un des membres de l’équipage pour frapper. Ce n’est pas une mécanique de gameplay : c’est un traumatisme à planifier.

Le Taranis se distingue comme un colosse d’acier semi-conscient, le tank est à la fois refuge et prison. Il avance lentement, méthodiquement, et tout se passe à l’intérieur : les enfants cuisinent, bricolent, se soutiennent — et se préparent à affronter, chaque jour, l’impensable. Il faut gérer les affinités, répartir les rôles, calmer les colères et surtout... tenir. Envers et contre tout.

Melodies of Steel

Mais sous ses mécaniques de RPG tactique au tour par tour, Fuga déploie surtout une émotion rare. Celle qui surgit quand un enfant de douze ans décide de se sacrifier pour que les autres puissent franchir un col. Quand une dispute se termine par un regard en coin. Quand l’échec n'est pas un Game Over, mais une perte humaine.

Depuis sa sortie en 2021, Fuga: Melodies of Steel n’a jamais cessé de résonner. Modestement, mais profondément. Ses joueurs ne l’ont pas oublié — peut-être parce qu’il ne les a pas ménagés. Loin des flashs marketing et des trophées platine, il a laissé des traces.

— Ce sont des enfants. Ils ont des noms, des voix, des colères et des souvenirs.

Ils ne sont ni des archétypes ni des héros, et pourtant chacun devient indispensable. En les plaçant au cœur du système, Fuga refuse le désincarné. Chaque décision stratégique est d’abord une décision affective.

Et parfois, on perd. Parce qu’on a voulu les protéger. Parce qu’on a eu peur d’appuyer sur le bouton.

Le Canon des Âmes revient comme une menace, une faille dans la structure du jeu. Il est là, dès le début, dans le menu, comme une corde tendue au-dessus du vide. Et le jeu n’en fait pas tout un foin, au-delà de l'animation spectaculaire, cette déferlante d'énergie tellement puissante. Mais est-elle à la hauteur du sacrifice ?

Ce que Fuga raconte, ce n’est pas la guerre — c’est ce qu’elle laisse. Les non-dits, les gestes inachevés, les repas partagés, une assiette supplémentaire servie par habitude. La mélodie continue, troublante, jusqu'à la dernière note, le dernier sacrifice.

Les origines des enfants, leurs liens familiaux, leurs rêves avant l’exil, leurs traumas — tout est disséminé dans les discussions entre deux batailles : la cuisine, la culture, la pêche à la ferraille ou les souvenirs partagés du Taranis. Ce dernier est le tombeau de ce qu'il leur reste à vivre, une intimité savoureuse entre deux mares de sang. Parce que vivre, c'est avant tout ne jamais cesser d'avancer.

C’est là que Fuga surprend : il propose une dramaturgie lente, presque domestique, là où l’on attendait une fresque épique. Et quand la tristesse surgit, ce n’est jamais à grand renfort de violons. C’est dans une larme esquissée, un "merci" après une mission, ou une petite discussion entre deux enfants qui ne savent pas s’ils verront le jour entre les cloisons métalliques de cet engin de la mort.

Melodies of Steel

On pourrait s’attarder sur le gameplay. Égrener les types de tourelles — canon, mitrailleuse, mortier —, mentionner les compétences Duo entre enfants complices, les phases de repos où l’on cuisine, pêche, jardine ou discute pour renforcer les liens. On pourrait parler des améliorations de modules via la forge ou la recherche, ou encore du choix de route sur la carte, entre chemin sûr et voie risquée.

Tout cela est là, oui, et bien en place : un système à la fois accessible et profond, minutieusement équilibré. Mais s’y attarder trop longuement, ce serait presque trahir le propos. Car Fuga n’a jamais été un JRPG comme les autres. Il emprunte leurs habits, mais c’est pour mieux nous parler d’autre chose.

L’essentiel ne se trouve pas dans les chiffres, ni dans les pourcentages de dégâts. Il est dans ce que raconte le jeu — dans ce qu’il nous oblige à ressentir.
Chaque mécanique est au service de la narration : on ne renforce pas une affinité pour gagner un bonus, mais parce qu’on ne veut pas qu’un enfant meure sans avoir dit ce qu’il avait sur le cœur. On ne choisit pas une route simple par choix arbitraire, mais parce qu’on sent que l’équipage a besoin d’un répit… aussi court soit-il.

Dans Fuga: Melodies of Steel, chacune des touches pressées est un choix moral dissimulé sous l’habit d’une mécanique. Et c’est cette dissonance entre l’apparente simplicité du système et la densité émotionnelle de ses conséquences qui fait toute sa singularité.

Je laisse la suite à notre bon Naturel — qui a parcouru le deuxième titre. Lui aussi, du haut de son mètre quatre-vingt-cinq et de sa carrure de titan, eut le cœur gros face à ces cris d’enfants.

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Kuro
Kuro

✅ Créateur du média

✅ Amateur de culture pop, JRPG et retrogaming

✅ À l'âge de 38 ans, mon JRPG préféré demeure Chrono Trigger !

💔 RIP Akira Toriyama, tu resteras à jamais dans nos coeurs...

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