Dans l'histoire du JRPG, où chaque sortie est scrutée, disséquée et comparée par nos soins, l'analyse des éléments clés tels que la conceptualisation d'un jeu ou son level design est essentielle pour éclairer les choix des joueurs avisés. C'est pour cela que nous allons tenter de différencier l'expérience old school de la rétro-moderne.
Avant de commencer, attardons nous sur une définition du level design créée par mes soins dans le cadre du JRPG, me basant sur une définition très théorique que vous pouvez retrouver ici.
Le level design dans le cadre des jeux de rôle japonais se réfère à la conception des environnements et des niveaux à travers lesquels les joueurs progressent. Cela englobe la disposition des terrains, des donjons, des villes, des puzzles, des obstacles, des ennemis, des trésors et d'autres éléments interactifs (points de sauvegarde, points de téléportation…) qui composent l'expérience de jeu. Le level design vise à créer des espaces cohérents, stimulants et engageants qui encouragent l'exploration, la découverte et la progression narrative, tout en offrant des défis adaptés au niveau de puissance du joueur. Il peut également influencer la narration en créant des atmosphères et en fournissant des indices subtils sur l'histoire et le monde du jeu.
À travers cette définition, nous aborderons les éléments clés qui distinguent les expériences old school, ne suivant pas tous les standards de level design actuels, des expériences rétro-modernes qui intègrent l'évolution des caractéristiques d'un JRPG tout en conservant une essence rétro ou nostalgique. L'objectif de cet article est de mettre en évidence les arguments qui vous aideront à choisir le jeu qui correspond le mieux à vos préférences.
Sommaire
L'héritage avant tout
Pour commencer, nous allons tracer brièvement les différences qu'il y a entre Suikoden et Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes. Le gameplay de Suikoden se distingue par son système de combat tactique au tour par tour, nécessitant une planification stratégique minutieuse pour former des équipes efficaces et exploiter les compétences uniques de chaque personnage. Les duels entre personnages, quant à eux, offrent des moments de tension où l'anticipation et la connaissance des capacités individuelles sont cruciales. En parallèle, la gestion de la base du joueur, le recrutement de nouveaux membres et la manipulation des intrigues politiques constituent des éléments essentiels du jeu.
Eiyuden Chronicle, quant à lui, hérite inévitablement de l'univers de Suikoden tout en introduisant des mécaniques modernes, un désir de l'équipe Rabbit and Bear, ancien concepteur de la licence Suikoden. Tout comme son prédécesseur, Eiyuden Chronicle propose un système de combat tactique au tour par tour, mettant l'accent sur la formation d'équipes stratégiques et l'exploitation des compétences spécifiques de chaque personnage. Les duels, eux aussi, exigent une anticipation précise des actions adverses. En plus de cela, le jeu intègre de nouvelles mécaniques, telles que l'utilisation de différents types d'armes, pour diversifier les stratégies disponibles aux joueurs. La gestion de la base du joueur et les choix narratifs impactent également le déroulement de l'histoire et les interactions entre les personnages à travers les combos de héros et l'approfondissement des relations entre ceux-ci.
En scrutant ces aspects, les différences entre ces deux jeux semblent peu évidentes. Cependant, malgré son désir d'allier une expérience contemporaine à une esthétique rétro, le game design d'Eiyuden Chronicle semble demeurer ancré dans le passé. Les points de sauvegarde, dispersés à travers la carte, qu'il s'agisse des villes ou des donjons, reflètent une structure de jeu trop traditionnelle, où les joueurs sont incités à archiver leur progression à des moments clés de leur aventure. Cette approche rappelle les jeux anciens tels que Dragon Quest, où la sauvegarde n'était possible qu'à des points spécifiques comme les églises. Contrairement à ces premiers jeux, les productions plus récentes ont introduit des mécanismes de sauvegarde rapide, offrant aux joueurs une plus grande flexibilité pour quitter leur partie à tout moment. Vous pourriez certainement faire valoir qu'Octopath Traveler n'offre, aussi, que des sauvegardes ponctuelles, et vous auriez raison. Cependant, contrairement à Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes, les points de sauvegarde dans Octopath Traveler sont également disponibles en dehors des villes, ce qui permet aux joueurs de sauvegarder fréquemment lors de leurs sessions de grind.
Le système de sauvegarde et les outils de progression sont étroitement liés
Octopath Traveler, par exemple, se démarque en offrant aux joueurs la possibilité de relire les dialogues avec les PNJ dans leur intégralité. De surcroît, il présente un système de chapitres et de quêtes secondaires organisé via la fonctionnalité d'écoute d'une histoire, offrant ainsi un recalibrage vers la trame courante choisie. Cette approche assure une clarté, une précision et une direction constantes, nous permettant de savoir à tout moment ce que nous devons faire, indépendamment de notre position dans le jeu.
En revanche, Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes propose un suivi des objectifs à travers un PNJ. Cependant, si vous vous trouvez dans un donjon sans savoir où aller, vous serez dans l'impasse, car il vous faudra sortir du donjon, trouver le PNJ, et retourner sur vos pas, sachant qu'il n'y a pas de point de sauvegarde à l'extérieur des donjons. Cette situation peut être frustrante pour les joueurs.
Un autre exemple de suivi de progression serait celui de Dragon Quest. Dans ce dernier, la possibilité de relire les dialogues avec les personnages non-joueurs peut s'avérer utile pour retrouver son chemin après une pause, tandis que des jeux comme Dragon Quest VIII, entre autres, permettent aux membres de l'équipe de donner des indications sur la suite des événements sans devoir trouver une installation permettant d'en apprendre plus. Cela améliore le confort du joueur, une pratique désormais standard dans les productions contemporaines.
Imaginer une œuvre rétro avec un level design actuel, le rétro-moderne
C'est là que nous voyons la grande différence entre une expérience old school et rétro-moderne. En effet, le jeu vidéo est en constante évolution. Prenez par exemple Star Ocean 2: The Second Story R, l'une des aventures rétro-moderne les plus réussies à ce jour. Son système de combat est revisité, tout en conservant l'essence du jeu original. La sauvegarde est disponible partout, le suivi des quêtes est accessible directement à partir du menu principal, et des fonctionnalités de configuration d'expérience sont brillamment intégrées sous forme de compétences de personnages.
Ces exemples illustrent comment une expérience rétro peut être actualisée pour correspondre aux attentes actuelles des joueurs et aux standards d'ergonomie. Le charme intemporel du rétro se maintient grâce à une modélisation environnementale en 3D minimaliste et à l'utilisation de modèle de personnages en pixel art adaptés aux mouvements en 3D. Cependant, l'ajout de nouvelles fonctionnalités est essentiel pour améliorer la fluidité et l'accessibilité du jeu. Par exemple, la visualisation des ennemis sur la carte donne aux joueurs un sentiment de contrôle, les empêchant d'être constamment interrompus par des rencontres aléatoires sans pouvoir agir.
Une innovation intéressante, comme celle du premier Bravely Default, permet aux joueurs de régler le pourcentage de rencontres aléatoires via le menu principal, facilitant ainsi les voyages et les quêtes. Dans Star Ocean 2: The Second Story R, une compétence spécifique permet de moduler le nombre de rencontres, tandis que dans Octopath Traveler, les compétences des personnages offrent la possibilité de les réduire. Ces petites modifications contribuent grandement à l'engagement du joueur et renforcent son immersion dans les mécaniques du jeu.
Une expérience qui pour nous semble s'inscrire dans l'équilibre de ces deux concepts est le jeu Chained Echoes. Ce dernier, contrairement à la plupart des JRPG old school, ne comportent pas de rencontres aléatoires. Les ennemis sont visibles sur la carte et déclenchent des combats sur le même écran, similaire à Chrono Trigger. Pendant les combats, les membres du groupe utilisent des attaques et des capacités pour augmenter le compteur overdrive, atteignant une zone verte optimale où les capacités sont plus efficaces. Cependant, le compteur overdrive peut surchauffer, obligeant le groupe à décharger l'excès en utilisant des capacités spécifiques telles que des défenses et des attaques spéciales. Ce dernier point est une mécanique suffisante pour rendre les batailles passionnante, manquant, par exemple, à la production de Sabotage Studio, Sea of Stars qui propose le même genre de level design.
Que choisir ? Rétro-moderne ou old school ?
La création d'une expérience old school parfaite représente un défi considérable, compte tenu de l'évolution des standards du jeu vidéo. L'objectif est de maintenir la cohérence tout en évitant un déséquilibre de la difficulté du jeu. Bien que Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes résonne certainement auprès des trentenaires nostalgiques de ses origines, quelques incohérences subsistent dans son level design. Le système de sauvegarde archaïque, la répétition de rencontres aléatoires sans possibilité de les éviter, le manque de suivi dans les quêtes ou les demandes de PNJ, ainsi que le manque de fonctionnalités de qualité de vie dans les zones ouvertes sont autant de caractéristiques associées à une époque révolue.
Ces limitations d'un autre temps ont contribué à façonner les standards actuels du jeu vidéo, notamment dans le domaine du JRPG. Ces erreurs de conception sont étudiées par des experts pour produire ce qu'on appelle des options de qualité de vie ou d'ergonomie. Bravely Default, de l'équipe Asano, en intégrait déjà à l'époque de la 3DS. Dragon Quest VIII, sorti sur PS2, avait déjà compris que ce genre de limitations et d'incohérences ne contribuaient pas à une expérience immersive. Star Ocean: The Second Story R est la preuve qu'une conception de JRPG rétro-moderne est tout à fait possible, tout en respectant à la fois les joueurs de longue date et les nouveaux venus. Enfin, Chained Echoes se distingue comme le JRPG qui parvient le mieux à équilibrer la simulation des limitations de l'époque avec des mécaniques à la fois originales et modernes.
En conclusion, le choix vous appartient. Préférez-vous vivre l'expérience d'un jeu PlayStation ou Super Nintendo avec ses limitations d'époque et ses problèmes de conception, ou opter pour une expérience rétro intégrant toutes les évolutions conceptuelles des 30 dernières années ? Nous vous invitons à partager vos réflexions dans les commentaires ou sur nos réseaux sociaux.
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Un commentaire
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J’ai bientôt 29 ans et je suis heureux de voir qu’il existe encore des personnes talentueuses dans le métier qui me sert de passion. Merci de redorer les lettres de noblesse du journalisme vidéoludique français.
Pour revenir sur le sujet initiale il est important pour moi de réussir a trouvé un juste milieu entre le jeu de rôle moderne et celui plus ancien. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que nous tombons de plus en plus dans le jeu vidéo générique et sans âme. D’une certaine façon je trouve de plus en plus de studio indé beaucoup plus ambitieuse que certain très grand nom du monde du jeu vidéo.