Après plus d’une décennie d’absence, Ninja Gaiden revient là où on ne l’attendait plus. Exit Ryu Hayabusa pour un temps : place à Yakumo, ninja du clan du Corbeau, figure inédite dans un univers qui mêle traditions, cybernétique et rites anciens. Plutôt que de révolutionner l’action, Ninja Gaiden 4 préfère la recentrer sur ce qui fait sa force : précision, mouvement, lisibilité. Entre héritage et nouveautés, le jeu trouve son ton : plus moderne dans sa mise en scène, plus structuré dans ses systèmes, mais toujours fidèle à la brutalité sanglante de la série. C’est un retour maîtrisé qui préfère la rigueur à l’esbroufe. Et quelque part, c’est peut-être ce que les fans espéraient le plus ?
Nous avons tranché des têtes en avance grâce au noble concours de l'éditeur, sur PS5.
Ninja Gaiden 4 ou la noirceur du Dragon
Dans Ninja Gaiden 4, le chaos s’étend à nouveau sur Tokyo. Des années après la défaite du démon Achilles et la résurrection avortée du Dragon noir, la capitale japonaise n’est plus qu’une cité verticale rongée par les miasmes. Une pluie toxique tombe sans discontinuer, transformant les quartiers inférieurs en marécages et forçant la population à s’entasser dans des gratte-ciel construits à la hâte.
Tokyo survit sous le contrôle strict de l’Ordre du Dragon divin, une organisation privée qui s’est autoproclamée gardienne de l’humanité. Sous la direction d’Uga et de Kagachi, l’Ordre gère à la fois la politique et la défense militaire de la ville. Officiellement, il protège la population. En pratique, il impose un régime de plus en plus autoritaire, utilisant la peur et la surveillance pour maintenir l’ordre.

Dans cet environnement asphyxié, les démons réapparaissent et la rumeur d’un nouveau réveil du Dragon noir se propage. Le jeu s’ouvre sur le clan du Corbeau, une branche dissidente du clan Hayabusa. Moins vertueux, plus pragmatique, ce clan agit dans l’ombre du monde civilisé. Ses membres acceptent les missions que personne d’autre n’oserait accomplir : espionnage, élimination, sabotage. Les Corbeaux se voient comme les garants d’un équilibre invisible, nettoyant les « ordures » pour permettre à la société de fonctionner. Grâce à leur maîtrise technologique et à leur discipline quasi militaire, ils opèrent avec une précision chirurgicale.
Le protagoniste, Yakumo, est leur plus jeune prodige. Formé dès l’enfance, il est considéré comme le successeur désigné du clan. Silencieux, méthodique, il ne doute jamais de ses ordres. Au début du jeu, il reçoit une mission capitale : tuer Seori, la prêtresse du Dragon noir, encore prisonnière de l’Ordre du Dragon divin. D’après la prophétie du clan, seule sa mort empêcherait le retour du démon. Yakumo accepte sans hésiter... Mais la rencontre ne se déroule pas comme prévu.

Seori n’est pas l’ennemie qu’il imaginait. Captive, affaiblie mais lucide, elle révèle à Yakumo que le véritable danger ne vient pas d’elle, mais du sceau qui retient les restes du Dragon noir. L’Ordre du Dragon divin mènerait en secret des expériences sur ces fragments pour en tirer une puissance nouvelle. Selon elle, les sceaux ne peuvent pas simplement être conservés : ils doivent être détruits. Yakumo se retrouve alors face à un dilemme : suivre la prophétie à la lettre ou s’allier avec celle qu’il devait éliminer.
C’est là que l’histoire prend son élan. Le duo improbable qu’il forme avec Seori traverse Tokyo du bas vers le haut, du chaos des rues noyées à la froideur des tours. Les ruines grouillent de créatures corrompues et de soldats augmentés. L’Ordre du Dragon divin, dirigé par Kagachi, ne tolère aucune intrusion : Yakumo devient un ennemi public.
Sur le plan narratif, Ninja Gaiden 4 relie les fils de la saga. Ryu Hayabusa, toujours à la tête du clan des Dragons divins, apparaît en marge de l’histoire. Il observe, juge, puis intervient lorsque le conflit entre les deux clans menace de raviver la guerre des dragons. Le jeu installe une tension intéressante entre les idéaux de Ryu et le pragmatisme de Yakumo : deux ninjas, deux héritages, deux visions du devoir.

Yakumo, lui, avance grâce à un art ancestral : le ninjutsu du lien sanglant. Cette technique, propre au clan du Corbeau, lui permet de manipuler son sang pour renforcer ses armes. Autour de lui gravitent plusieurs personnages : Umi, experte en communication et amie d’enfance, qui guide ses opérations à distance ; Seori, toujours ambiguë, oscillant entre guide spirituelle et manipulatrice ; et bien sûr Ryu, figure tutélaire qui rappelle à Yakumo ce qu’est un véritable ninja.
La narration met davantage en avant le conflit moral : obéir à son clan ou redéfinir sa propre voie. Le monde de Ninja Gaiden 4 ne distingue plus clairement le bien du mal ; chaque camp agit selon sa logique, et c'est à Yakumo que revient le choix de briser la malédiction du Dragon noir...
Passons à l'action
Ninja Gaiden 4 s’appuie sur un socle classique, mais reconstruit autour d’un principe : ne jamais séparer le mouvement du combat. Pour ce faire, Yakumo manie une panoplie d’outils mécaniques inspirés du clan du Corbeau. Leur rôle conditionne la manière de se déplacer, d’attaquer et de survivre.
« Plutôt que de révolutionner l’action, Ninja Gaiden 4 préfère la recentrer sur ce qui fait sa force : précision, mouvement, lisibilité. »
Le Câble trichoptère est au centre du système. C’est un grappin capable de s’ancrer presque partout : murs, rebords... Le joueur peut s’en servir pour se rapprocher d’un adversaire, s’extraire d’une mêlée, ou prolonger une série de coups en l’air. L’enchaînement est rapide, la prise en main immédiate : rapide mais ô combien précise. À partir du moment où l’on comprend le bon rythme, les déplacements deviennent continus.
Ce principe de fluidité s’étend au Planeur libellule, un outil qui permet de traverser de longues distances. Combiné au câble, il permet des séquences de mobilité impressionnantes où le joueur passe du sol à l’air sans rupture. À cela s’ajoutent deux capacités plus contextuelles : le Saut d’oiseau, qui permet de rebondir sur les murs pour grimper, et l’Araignée d’eau, qui autorise le surf. À l'exception du câble, les autres outils s'utilisent plus souvent en exploration que durant les affrontements.

En combat, Ninja Gaiden 4 conserve la difficulté légendaire de la franchise. Les rixes reposent sur trois piliers : la garde, l’esquive et la contre-attaque. Le jeu récompense la lecture du danger plus que la vitesse d’exécution. L’esquive annule la plupart des coups, mais exige du timing. La garde bloque plusieurs frappes, mais finit par se briser sous la pression. Le choix est constant : rester au contact ou reculer.
Le système de démembrement revient dans une version plus lisible. Une coupure de membre affaiblit l’ennemi, mais ne le neutralise pas. Il peut encore tenter une charge désespérée. Le joueur doit donc décider : exécuter immédiatement ou prendre le risque de prolonger le combat pour immobiliser un ennemi plus dangereux d'abord. Une erreur coûte cher, mais une bonne lecture du timing peut renverser un duel en une fraction de seconde.
L’une des fonctionnalités que j'ai le plus appréciée, c'est la forme de Corbeau sanglant. C’est une transformation temporaire qui altère à la fois les armes et le style de combat. Elle se déclenche via le ninjutsu du lien sanglant, une jauge qui se remplit à mesure que Yakumo frappe ou pare. En l’activant, son arme se métamorphose et les attaques gagnent en puissance brute. Cette forme n’est pas gratuite : elle consomme la jauge de lien sanglant et raccourcit la fenêtre d’action. Elle sert à briser les gardes, punir les ennemis massifs ou reprendre l’avantage après une série de parades.

Le mode Berserk agit comme un second niveau de puissance. Une fois la jauge remplie, Yakumo entre dans une transe où ses coups gagnent en portée et en vitesse, mais où il devient plus vulnérable. Certaines techniques, appelées bains de sang, ne se déclenchent qu’en Berserk : des attaques explosives qui fauchent les ennemis proches. Ce système change la gestion du rythme. On alterne entre prudence, explosion de rage, et retour au calme forcé quand la jauge se vide.
L’équilibre global repose sur les armes rituelles, chacune liée à un sceau du Dragon noir. Je ne citerai que quelques exemples pour ne pas gâcher la découverte, mais sachez qu’elles sont plus nombreuses. La Yatousen favorise la vitesse et les attaques d’estoc ; en forme maudite, elle se transforme en lance spiralée capable de transpercer plusieurs cibles. La Magatsuhi privilégie le combat de zone : ses attaques circulaires balayent les groupes, et sa forme de Corbeau la métamorphose en marteau explosif. Enfin, la Takeminakata, un duo de katanas jumeaux, cherche l’équilibre entre rapidité et puissance, avec une lame allongée dans sa version maudite. Chaque arme dispose des propres compétences, à développer en accumulant de l’expérience.

Ces arsenaux modifient la manière de lire les affrontements. La Yatousen demande de la précision, la Magatsuhi favorise la gestion des foules et la Takeminakata privilégie le duel frontal. Le jeu pousse à en changer régulièrement, grâce à un système de sélection rapide. Les combats les plus exigeants se gagnent souvent en alternant deux armes — l’une pour briser les gardes, l’autre pour finaliser.
Hors combat, les terminaux du Nid noir servent de base d’opérations. On y achète de l’équipement, on accepte et valide des missions. Chacune d'entre-elles correspond à une activité précise : assassinat, récupération d’artefacts, capture de créatures. Les récompenses permettent de gagner des NinjaCoins, d’obtenir des accessoires ou des objets. L’apprentissage de nouvelles techniques passe par Tyran, mentor du clan du Corbeau, qui joue un rôle équivalent à un maître d’armes : il enseigne de nouvelles compétences en échange de NinjaCoins et propose une salle d’entraînement pour tester les styles.

Le jeu conserve aussi des éléments secondaires plus légers : les calebêtes, créatures étranges cachées dans les niveaux, se capturent pour obtenir des bonus ou des objets. Les statues de Muramasa font office de boutiques permanentes, tandis que la Grâce du seigneur dragon — obtenue en combinant des écailles noires et des herbes chimériques — augmente la santé maximale. Ces mécaniques complètent la boucle de progression sans la ralentir : tout reste accessible depuis le menu principal.
Enfin, le Purgatoire introduit une mécanique de défi inédite (qui n'est pas sans rappeler la franchise Nioh dans sa DA visuelle, ndlr). Ces portails rouges, disséminés dans les niveaux, ouvrent des arènes où le joueur affronte plusieurs vagues d’ennemis. Pour y entrer, il faut sacrifier une partie de sa santé. Plus le risque est élevé, plus les récompenses — EXP d’arme et NinjaCoins — sont importantes.
Dans son ensemble, Ninja Gaiden 4 repose sur un gameplay dense mais cohérent. La mobilité, la transformation des armes et la gestion du risque s’emboîtent naturellement. Chaque mécanique trouve sa place dans une logique d’équilibre entre contrôle et effusions de sang.
« Ninja Gaiden 4 renoue avec l’exigence : chaque erreur se paie, chaque réussite se savoure. »
Ninja Gaiden 4 — Le rituel du sang et du néon
Ninja Gaiden 4 nous fait traverser un Tokyo entre tradition et cyberpunk. L’ambiance visuelle s’éloigne du réalisme brut pour adopter une esthétique hybride. Le sacré et le mécanique ne s’opposent plus, ils coexistent dans un même souffle. Les environnements alternent d’ailleurs entre sanctuaires et chaos urbain. D’un couloir industriel à une cour de temple couverte de fleurs rouges, la cohérence visuelle est clairement de la partie.

Le bestiaire, lui, bénéficie du même soin. Les créatures s’inspirent du panthéon « shinto-bouddhique » tout en intégrant des éléments mécaniques ou organiques. Corps d’acier, masques, flammes spectrales : les boss possèdent une vraie prestance, souvent entre l’horreur et la fascination. Même dans ses excès visuels, l’univers reste cohérent et lisible.
Enfin, la mise en scène s’intègre naturellement au gameplay. Les cinématiques en temps réel enchaînent sans coupure sur l’action, portées par une direction photo précise : cadres soignés, lumières directionnelles et profondeur de champ maîtrisée. La palette volontairement restreinte privilégie l’impact à la profusion — et le résultat fonctionne.

La musique de Ninja Gaiden 4 porte la signature de Masahiro Miyauchi, compositeur impliqué dès les premières phases du développement pour que la bande-son colle à la fois à la mise en scène et au rythme du jeu. L’idée n’était pas de surcharger, mais de trouver une cohérence entre le son et l’image et le résultat se ressent dès les premières minutes.
Miyauchi puise son inspiration dans deux univers qu’il fait cohabiter sans effort : le cyberpunk occidental — on pense à Ghost in the Shell ou Blade Runner — et la musique rituelle japonaise. En résumé, on se retrouve sur une base électronique industrielle, ponctuée d’instruments traditionnels filtrés ou samplés. Le contraste entre le synthétique et l’organique reflète parfaitement l’opposition thématique du jeu, entre technologie et spiritualité.
Dans les moments calmes, la musique reste en retrait. De longues nappes électroniques, quelques percussions étouffées, parfois un motif de flûte ou de koto viennent simplement souligner l’atmosphère. Par contre, quand le combat démarre, la rythmique se durcit. Le passage en mode Berserk s’accompagne presque toujours d’une montée sonore entraînante.

Yakumo m'a comblé
Pour être transparent, Ninja Gaiden 4 est mon tout premier. Je ne connaissais ni Ryu ni vraiment l’univers de la série, alors j’ai dû regarder pas mal de vidéos et lire d’anciennes critiques pour comprendre ce qui définit un Ninja Gaiden, du moins dans les grandes lignes. Et pourtant, en étant frais dans la franchise, j’ai tout de même passé un moment de qualité avec le soft. Rien ne déborde, rien ne sort de l’immersion : c’est rapide, fluide, puissant. Ce qui m’a marqué, c’est la manière dont le jeu reste constant. Pas une minute de flottement, pas de mise en scène forcée. On avance, on apprend, on se rate, on recommence. Le jeu demande de l’attention, un vrai engagement. Yakumo, que je découvrais totalement, fonctionne mieux que je l’aurais cru. Il n’a pas la prestance d’un héros classique, mais il a ce calme qui colle à la mise en scène. Il ne parle pas beaucoup : il agit. Le monde autour de lui, Tokyo et ses ruines, a quelque chose d’étrangement crédible : un mélange de désespoir et de discipline, de modernité et de traditions. Tout n’est pas parfait, évidemment. Certaines zones paraissent un peu vides, quelques ennemis sont recyclés, et les boss auraient mérité un poil plus de mise en scène. Mais ça n’empêche pas le reste de tenir debout. Je ne pense pas que Ninja Gaiden 4 soit la meilleure porte d’entrée dans la série. Cependant, en mettant de côté les attentes (très) exigeantes des fans, ce nouvel opus reste un jeu d’action d’une grande qualité, qu’il serait vraiment dommage d’ignorer.
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Ninja Gaiden 4
- Date de sortie (Japon) : 21/10/2025
- Date de sortie (Europe) : 21/10/2025
- Développeur : Team Ninja / PlatinumGames
- Éditeur : Koei Tecmo
- Genres : Action
- Consoles : PS5, PC, Series
- Scénario 80%
- Technique 80%
- Gameplay 100%
- Plaisir 100%
- Direction artistique forte, cohérente
- Gameplay précis, nerveux et lisible
- Outils de mobilité bien pensés
- Musique percutante et mesurée
- Mise en scène sobre, efficace
- Difficulté exigeante mais juste
- Yakumo plus que convaincant
- Quelques rares soucis de pathfinding pour les ennemis




